Les bibliothèques départementales, actrices de la transition écologique

Au printemps 2024, la médiathèque départementale de la Seine-Maritime (MdSM) a mené une enquête auprès des bibliothèques départementales de prêt (BDP) sur les actions menées en faveur de la transition écologique. Un questionnaire a été réalisé par Maryon LE NAGARD, référente écologie à la MdSM accompagnée de Béryl DANIEL, volontaire en mission de service civique. Ce dernier a relayé l’information via la liste de diffusion de l’ABD, Association des bibliothécaires départementaux, et en envoyant des mails individuellement aux bibliothèques qui n’avaient pas répondu à ce premier appel.

56 bibliothèques ont finalement participé à cette enquête. Maryon LE NAGARD vous partage dans ce billet les résultats, avec des infographies réalisées par Béryl DANIEL.

Une petite minorité de bibliothèques (18.2%) a déclaré avoir un référent écologie (ou référent développement durable, transition écologique…) officiellement nommé dans l’équipe. Lorsque c’est le cas, ce rôle est formalisé majoritairement dans les objectifs annuels de l’agent (44%), puis dans la fiche de poste de l’agent (31%). Dans 12.5% des cas, le référent est nommé, mais aucun document écrit ne mentionne cette mission.

Par ailleurs, dans 22% des cas, le schéma départemental de lecture publique de la BDP mentionne la transition écologique dans ses axes. Elle est présente dans la politique documentaire de 11% des bibliothèques interrogées, et fixée dans les objectifs annuels des membres de l’équipe (autres que le référent écologie nommé) dans 11% des cas. Mais le plus souvent (34%), aucun document formel ne mentionne cet aspect.

La tendance est un peu plus équilibrée lorsqu’on se penche sur la sensibilisation de l’équipe. En effet, plus de la moitié (52%) des répondants ont affirmé que les agents étaient sensibilisés à ces questions. Une zone de texte libre dans le questionnaire permettait aux répondants de préciser la nature de cette sensibilisation. Le plus souvent, ce sont les réunions d’équipe qui ont été citées

Ainsi, si la mission transition écologique est prise en compte dans plus de la moitié des bibliothèques, la majorité des BDP ont encore à officialiser cet engagement. La nomination d’un référent écologie assure la prise en compte de la mission dans le temps de travail, de même que mentionner cet axe dans les différents documents (schéma de lecture publique, CDL…) permet de clarifier auprès de l’ensemble des agents les objectifs du service.

C’est souvent l’un des premiers sujets auxquels s’attellent les bibliothèques (aussi bien départementales que municipales) qui cherchent à réduire leur impact environnemental : l’équipement des documents. Sur les 56 BDP interrogées, 41 (73%) ont entamé une démarche de réduction ou d’arrêt complet de la couverture des documents, soit une très grande majorité !

Parmi ces bibliothèques, 15% ont fait un bilan à l’issue d’une période d’essai, et seules 2 d’entre elles ont indiqué être revenues en arrière.

À celles qui se sont engagées dans cette démarche, nous avons demandé quels types de documents n’étaient plus ou étaient moins équipés. Le plus fréquemment, le test est fait sur les bande-dessinées adultes et les documentaires adultes, certaines faisant une exception pour les ouvrages aux couvertures claires.

Plusieurs bibliothèques ont également indiqué ne plus couvrir les documents qui ne sont pas destinés à être prêtés aux publics : ceux du fonds professionnel et ceux prêtés avec des outils d’animation, ainsi que les documents au format digipack (les livres lus).

Enfin, le choix est ensuite très varié d’une BDP à l’autre, certaines ne couvrant plus les mangas, d’autres au contraire ayant fait le choix de conserver l’équipement intégral sur ces ouvrages jugés plus fragiles. Ont également été cités les romans adultes, les albums, les contes, les premières lectures, la poésie, le théâtre, les livres en langues étrangères, les essais, le fonds local et enfin, les jeux de société.

La BDP de la Corse du Sud prévoit une organisation sur laquelle il est intéressant de s’attarder : la plupart des fonds ne sont plus couverts, mais pour certains domaines (BD jeunesse, albums, romans adultes), ils pratiquent un équipement différencié. Ainsi, seul le premier exemplaire est équipé, les suivants ne le sont pas. On peut en effet imaginer qu’on n’a pas besoin que tous les exemplaires aient une durée de vie aussi longue puisqu’au fil des ans, on désherbe les doublons pour ne conserver qu’un seul exemplaire d’un même titre.

Souvent, si la couverture plastifiée est abandonnée, les bibliothèques conservent une protection pour les coins, les coiffes et les code-barres.

Pour finir, la BDP de Savoie Haute-Savoie, qui a cessé la couverture plastique totale des ouvrages depuis 2023, a partagé ce mois-ci les résultats de ce test sous la forme d’un bilan rédigé très détaillé et accompagné d’une infographie que l’on peut retrouver sur leur portail : https://www.biblio7374.fr/la-lettre-dinfo-de-savoie-biblio.aspx?_lg=fr-FR Les collègues y indiquent notamment que « les objectifs visés ont été atteints (sans effet significatif sur l’état des livres empruntés) ». Les économies sur le budget d’équipement ont été estimées à 27 000€, soit une baisse de 25% du coût moyen d’équipement par livre. Le temps de mise à disposition des ouvrages est également réduit de 1 mois.

Un fonds spécialisé

Nous avons demandé aux bibliothèques si elles avaient « créé un fonds spécifique sur ce thème ». A la lecture des réponses reçues, nous avons constaté que tous les répondants n’avaient pas compris cette question de la même façon. Nous pensions à un fonds dédié, identifié d’une façon ou d’une autre, par un logo sur le document, un mot-matière dans le catalogue et/ou un budget dédié. 8 bibliothèques (14.5%) ont répondu « oui » à cette question, mais la plupart ont ensuite précisé que les documents étaient dispersés dans l’ensemble des collections et non identifiés (ni physiquement, ni dans le catalogue) ou qu’il s’agissait de matériel d’accompagnement pour des expositions ou des valises thématiques. Cela nous laisse penser que ces BDP acquièrent des ouvrages sur le sujet effectivement, mais pas qu’elles ont constitué un fonds à proprement parler.

Concrètement, seulement deux bibliothèques semblent avoir constitué un fonds, l’une avec des ouvrages documentaires (jeunesse et adultes) dispersés dans les collections mais identifiés par un mot-matière ainsi qu’une étiquette, l’autre avec des ouvrages (tous types de documents) regroupés au sein d’un pôle « Environnement et citoyenneté » et identifiés par un mot-matière et une cote spécifique. Une troisième BDP a indiqué que la création de ce fonds était en cours.

Enfin, une dernière bibliothèque travaille sur sa politique documentaire dans laquelle un fonds spécifique sera bel et bien prévu et pour lequel il est envisagé un lot dédié au sein du marché de documents, ce qui nous semble particulièrement intéressant pour la constitution et la valorisation de ce type de fonds.

Lorsque l’expérimentation d’un équipement réduit est lancée, l’information est communiqué auprès du réseau, par le biais de la lettre d’information envoyée mensuellement, le portail, les réseaux sociaux et/ou l’envoi d’un mail. Parfois, les ouvrages non équipés sont dotés d’une étiquette « en test », indiquant que la non-couverture est volontaire et qu’il ne s’agit pas d’un oubli, et permettant de relayer l’information aussi bien auprès des bibliothécaires que des publics qui emprunteront ensuite ces documents.

L’offre de formation

Les BDP sont au service des bibliothèques et collectivités et ont un rôle d’accompagnement et de formation des salariés et bénévoles de leur territoire. Elles forment et informent sur l’évolution constante du métier de bibliothécaire et des missions des bibliothèques. C’est ainsi que 57% des répondants ont déclaré proposer dans leur catalogue des formations sur le thème de la transition écologique, généralement animées par des intervenants extérieurs, plus rarement par des bibliothécaires de la BDP. Les intitulés sont très variés, allant des formations généralistes aux formations plus spécifiques.

Celle qui a été le plus citée est « Les bibliothèques vertes », dont l’intitulé peut aussi varier pour « Premiers pas vers le développement durable en bibliothèque », « Bibliothèques et éco-responsabilité », « les bibliothèques et le développement durable » ou encore « L’Agenda 2030, un outil pour les bibliothèques ».

Le second thème le plus souvent proposé est « Le numérique responsable ».

Les autres formations mentionnées portent sur les grainothèques (« Les grainothèques » / « Animer une grainothèque, une façon de contribuer à la biodiversité »), les animations (« Créer et animer des ateliers environnement en bibliothèque » / « Actions culturelles écoresponsables »), le prêt d’objets (« Objethèques et trucothèques ») ou sur des thèmes plus élargis et moins centrés sur les bibliothèques-mêmes (« Gastronomies du futur » / « L’éco-anxiété » / « L’écologie du livre » / « Fresque du climat »).

La médiathèque départementale de la Seine-Maritime a proposé en fin d’année 2024 une formation « à la carte » d’une demi-journée, pour l’ensemble de l’équipe d’une bibliothèque et dans les locaux de la BM, destinée à apporter un premier niveau d’information à l’ensemble des agents (qui, ainsi, ont un socle de connaissances commun), puis à établir un premier diagnostic de leurs pratiques professionnelles afin de définir des axes de travail prioritaires pour engager la bibliothèque dans une démarche de transition écologique. Avec cette formule de formation à la demande, un focus est proposé au choix, selon les besoins et attentes de la structure : l’éco-gestion des documents, la formalisation de la démarche dans le PCSES (Projet Culturel, Scientifique, Éducatif et Social), la politique documentaire, les actions de médiation auprès des publics, la mobilité… Cette formation est dispensée par la référente écologie de la BDP.

Il est intéressant de souligner qu’aucune bibliothèque n’a évoqué de formation autour de l’équipement et/ou de la réparation des documents.

Des BDP ont indiqué que la formation des salariés et bénévoles des réseaux de BDP passait aussi par l’organisation de conférences, ateliers, projections débat et journées d’étude auxquels ils sont conviés. Ces événements sont programmés de façon plus ponctuelles et rarement récurrentes.

Pour finir, quelques BDP ont une page dédiée à la transition écologique sur leur portail, mais elle est rarement visible dès la page d’accueil et nécessite souvent de connaître son existence pour la trouver.

Les outils mis à disposition du réseau

Des outils sont également proposés aux bibliothèques des réseaux, à la fois pour accompagner les équipes dans leur formation mais aussi et surtout pour leur permettre de sensibiliser leurs publics. Sur les 46% de BDP qui ont déclaré mettre des outils à disposition, la majorité cite avant tout des expositions thématiques (sur les oiseaux, l’eau, les insectes, les abeilles, les déchets, la nature, les énergies renouvelables, le potager et le jardinage, les forêts, la biodiversité…). L’exposition Observons les oiseaux de Birdie Memory (https://www.birdiememory.com/fr/exposition) ainsi que les expositions de l’éditeur Sloli (https://www.sloli-editions.com/ecoles-mediatheques/expo-developpement-durable/catalogue-expo-pedagogique/) ont été citées à plusieurs reprises.

Le second outil le plus souvent proposé est le prêt de malles thématiques, comprenant des ouvrages (fictions et documentaires), des supports audiovisuels parfois et des jeux pédagogiques. Plusieurs BDP prêtent également des supports d’animation pour les actions de médiation et de sensibilisation auprès des publics.

Certaines bibliothèques proposent des fiches pratiques ou tutos sur différents thèmes : politique de désherbage incluant le réemploi et/ou partenaires du territoire avec lesquels il est possible de passer une convention pour le don après désherbage, conseils sur l’écoconception d’un bâtiment, accompagnement pour la mise en place d’une grainothèque, liste d’imprimeurs et éditeurs « verts », critères à inclure dans les marchés publics…

Enfin, quelques répondants ont indiqué valoriser via leur portail et les réseaux sociaux les actions menées par les bibliothèques de leur territoire, ponctuellement ou à l’occasion d’événements nationaux ou internationaux tels que la semaine du développement durable par exemple.

Nous pouvons conclure ce panorama des actions menées en BDP par quelques initiatives complémentaires qui nous ont été rapportées :

  • Ainsi, la BDP des Vosges est devenue refuge LPO (ligue de protection des oiseaux).
  • Celle du Finistère organise des réunions de secteurs réunissant plusieurs bibliothèques d’un même territoire autour d’un sujet donné, plusieurs de ces réunions ont porté sur les bibliothèques vertes.
  • En Seine-Maritime, parallèlement à l’enquête menée auprès des BDP, Béryl DANIEL a interrogé les bibliothèques du territoire pour avoir une vision d’ensemble de ce qui se faisait et adapter au plus près des besoins les services offerts par la BDP. La bibliothèque départementale de la Seine-et-Marne avait déjà lancé un questionnaire auprès de son réseau fin 2023.
  • La BDP de la Manche a réduit le nombre de pages de son un catalogue de formations version imprimée : il fait désormais 8 pages, ne reprenant que les dates et intitulés des formations proposées. Le détail de chaque formation est à consulter sur leur portail. Dans cette même optique de réduction des impressions, quelques bibliothèques ont déclaré avoir limité voire supprimé la diffusion de flyers et affiches.
  • La révision énergétique du bâtiment, ainsi que l’usage de vélo et/ou voiture électrique pour les déplacements professionnels, ont également été mentionnées à deux reprises.

La transition écologique est bel et bien un sujet dont s’emparent les bibliothèques départementales depuis plusieurs années. Les résultats de cette enquête, exprimés en pourcentages, doivent cependant être interprétés avec précaution : ils sont surtout représentatifs des bibliothèques ayant déjà entamé une réflexion sur le sujet. Parmi celles qui n’ont pas encore entamé de démarches dans ce domaine, beaucoup ont probablement jugé qu’elles n’étaient pas légitime pour répondre à ce questionnaire, ou n’en ont pas vu l’utilité. Si toutes les BDP de France avaient participé, les chiffres seraient sans doute moins élevés (concernant l’équipement réduit des collections par exemple). Il reste donc des efforts à déployer, tant pour sensibiliser les bibliothécaires départementaux que pour accompagner les bibliothèques des réseaux dans cette transition.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *