La Fresque du numérique pour sensibiliser au numérique écoresponsable en bibliothèque

La Commission Bibliothèques Vertes ABF vous propose aujourd’hui d’explorer la question du numérique éco-responsable, en vous présentant une formule d’atelier, la Fresque du numérique, qui peut être utilement déployée dans tout type de bibliothèque (lecture publique, bibliothèques universitaires…) à des fins de sensibilisation, des équipes comme des usagers, à ce sujet-clé, voire de point de départ vers une évolution des comportements et stratégies en la matière. Le présent billet, rédigé par Geneviève Erb, vous propose ainsi, après une présentation synthétique des enjeux d’une part, du format « fresque » d’autre part, de partir à la découverte de l’atelier Fresque du numérique :

Les enjeux : pourquoi se préoccuper maintenant de l’aspect environnemental du numérique ?

Le numérique est devenu depuis un demi-siècle un secteur-clé, dont dépendent quasiment toutes les activités humaines, y compris donc les services publics. Il s’est développé de façon exponentielle, mais dans notre imaginaire nous avons (trop) longtemps associé la dématérialisation avec une plus-value environnementale : moins de déplacements, moins de papier….

Ainsi en bibliothèques et médiathèques, nous avons ces dernières années, en lien avec le développement du numérique et les évolutions des usages :

  • Démultiplié l’offre numérique en matière de collections notamment : la presse et les revues électronique(s), les vidéos en ligne, les ebooks voire l’autoformation sont venues compléter largement l’offre documentaire imprimée et constituer souvent des  « produits d’appel » auprès de nos publics, sur nos sites internet.
  • Créé de nouveaux services à distance (inscription en ligne à la médiathèque ou aux animations, rendez-vous bibliographiques…), pris toute notre place sur les réseaux sociaux, automatisé notre fonctionnement  (RFID et automates de prêt et de retours par exemple), dématérialisé ce qui pouvait l’être (la lettre de rappel, la carte d’usager en plastique, le ticket de prêt papier, etc…) sans oublier de déployer tous les moyens pour faciliter (et donc inciter ?) la connexion de nos usagers : réseau wifi, mises à disposition ou prêt d’ordinateurs / tablettes / liseuses, accompagnement numérique, jeux vidéo…

Mais aujourd’hui, la réalité du changement climatique est tangible et le numérique y contribue :

  • Entre 2010 et 2025, le numérique passe ainsi de 2,5 % de l’empreinte de l’humanité à un peu moins de 6%
  • Parmi les impacts environnementaux du numérique, et de A à Z :
    • de l’épuisement annoncé des ressources nécessaires à la fabrication des terminaux en début de leur cycle de vie : la fabrication d’un ordinateur de 2 kg nécessite l’extraction de 800 kg de ressources (minerai/énergie) et plusieurs milliers de litres d’eau selon l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie).
    • jusqu’à leur obsolescence de plus en plus rapide : la durée de vie d’un ordinateur a été divisée par près de 3 depuis 1985, passant de 11 à 4 ans selon la carte 10 de la Fresque du numérique
    • alors que les filières de recyclages des déchets numériques ne drainent qu’une minorité des matériels concernés, le reste constituant une source de pollution importante
Extrait du jeu de cartes (carte n°8) de la Fresque du numérique

Dans ce contexte, la sensibilisation des usagers et du personnel de nos bibliothèques et médiathèques à l’empreinte environnementale du numérique n’est même plus une option : c’est un sujet de société, un devoir moral et une condition sine qua non pour comprendre et prendre sa part dans la stratégie numérique responsable imposé par la loi REEN du 15 novembre 2021. La Fresque du numérique peut constituer un outil de sensibilisation à ce sujet essentiel :

L’outil fresque : qu’est-ce que c’est ?

Le concept de « Fresque » a 6 ans aujourd’hui. Le premier atelier à avoir déployé et utilisé cette appellation de « fresque » est celui de la Fresque du Climat, que la Commission Bibliothèques Vertes ABF a présenté dans ce même blog il y a quelques mois (dans un article précédent, à (re)découvrir ici) : l’objectif de cette fresque était d’accélérer la compréhension des enjeux climatiques au niveau mondial pour fédérer le grand public et l’inciter positivement à enclencher les changements indispensables à la préservation du vivant, en partageant avec le plus grand nombre les bases du fonctionnement du climat et les conséquences de son dérèglement, de façon non culpabilisante.

Le format « fresque », qui a connu, suite au succès de la Fresque du climat notamment, ces dernières années de nombreuses autres déclinaisons thématiques et sectorielles, est celui d’un serious game qui mêle intelligence collective et pédagogie, tout en étant ludique et créatif, le tout dans une durée d’une demi-journée :

  • Concrètement, 4 à 8 participants (le plus souvent adultes, mais il existe des déclinaisons jeunesse dans un certain nombre de fresques ; le nombre de participants varie également en fonction de l’organisation prévue par la structure ayant créé le jeu) sont réunis autour d’une animatrice ou d’un animateur formé(e) à l’animation de la fresque, idéalement en présentiel pour meilleure qualité des échanges. Après un temps de présentation des enjeux, place au jeu de cartes, qui marie approche ludique et scientifique, dans la mesure où les descriptions au dos des cartes se fondent sur des données scientifiques ; par exemple, les informations portées sur les cartes de la Fresque du climat sont notamment issues des rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).
  • Dans la première phase, ludique, de l’atelier, chacun(e) sera amené(e), en concertation avec les autres participant(e)s, à positionner les unes par rapport aux autres les cartes distribuées afin de recréer collégialement la fresque du sujet traité (le climat pour la fresque du climat, le numérique pour la fresque du numérique, etc.). La fresque constituée pendant l’atelier permettra de mettre en évidence visuellement les causes et les effets du problème rencontré aujourd’hui sur le plan environnemental (le problème du dérèglement climatique dans le cas de la fresque du climat ; les problèmes environnementaux posés par le numérique dans le cas de la fresque du numérique).
  • Après cette première phase fondamentale de compréhension, la deuxième phase de l’atelier est plus créative et permet à chacun de s’exprimer (par les mots, le dessin…), de personnaliser la fresque réalisée, en lui trouvant notamment un titre : chaque fresque est donc unique.
  • Enfin, vient le temps de la restitution et surtout de l’action : les participants échangent entre eux et avec l’animatrice ou l’animateur de leur impressions suite à la réalisation de la fresque, des informations reçues et de la prise en compte des enjeux ; chacun(e) peut ensuite librement choisir la ou les actions les plus pertinentes qu’il se propose de mettre en œuvre.

Le dispositif Fresque du numérique : en quoi il consiste ?

La Fresque du numérique a été créée par Aurélien Deragne (ingénieur) et Yvain Mouneu (entrepreneur et formateur) en 2019 et a fait l’objet de plusieurs mises à jour depuis. D’après les informations disponibles sur le site web www.fresquedunumerique.org, cet atelier a déjà été déployé auprès de 50 000 personnes qui déclarent avoir participé à une fresque du numérique, et compte plus de 2 000 personnes formées à l’animation de cette fresque.

Comme la Fresque du climat, La Fresque du numérique se construit avec ses participant(e)s qui découvrent les enjeux du numérique en plusieurs phases :

Extrait du site web Fresque du numérique : fonctionnement de l’atelier

Les données présentées au verso des cartes du jeu sont issues notamment de rapports de l’ADEME, du collectif Green IT, d’EcoInfo CNRS et du Shift Project, références en la matière. L’atelier permet de passer en revue l’ensemble des aspects du numérique, parmi lesquels :

  • l’équipement matériel et les infrastructures réseau
  • leurs usages
  • les ressources nécessaires à la fabrication et à l’utilisation
  • les problématiques de la fin de vie du matériel
  • les conséquences globales sur les sols, la biodiversité, le climat… la géopolitique et la santé humaine

La Fresque du numérique en bibliothèque : pour qui, pour quoi et comment la mettre en place ?

La fresque est un outil pédagogique objectif, qui donne des indications factuelles et des données sourcées, qui sensibilise sans culpabiliser. Cette formule permet réellement, en peu de temps et avec un minimum d’efforts, de prendre conscience de l’impact environnemental du numérique et de notre rôle en tant qu’utilisateur du numérique, de façon objective et factuelle. L’atelier s’inscrit ainsi totalement dans nos différentes missions, à travers une programmation d’une fresque du numérique tant pour les publics que pour les personnels des bibliothèques :

  • Pour les usagers : l’atelier permet à  chacun de s’approprier des clés pour agir dans sa vie quotidienne ; chaque utilisateur mesure en effet l’impact de son choix de limiter la quantité de matériel acheté et sa dimension (réduire le nombre et la taille des écrans), de conserver le plus longtemps possible son matériel puis de revendre ou donner ce qu’il n’utilise plus, de réparer son matériel autant que possible en cas de panne ou de casse etc.. il a aussi le pouvoir de raisonner ses usages numériques, une fois éclairé sur ces sujets à la sortie de l’atelier.
  • Pour les personnels : après un temps de sensibilisation partagée, l’atelier peut être le point de départ pour définir les leviers d’action et de transition des pratiques individuelles et collectives ; chaque agent pourra à l’issue de la fresque contribuer en connaissance de cause aux choix collectifs et agir sur de nombreux points, tels que : questionner les usages (faire la balance entre les impacts négatifs et les avantages humains et environnementaux attendus), favoriser la mutualisation de ce qui peut l’être, notamment des matériels, se former pour lutter contre l’obsolescence logicielle, etc… ; d’autres choisiront peut-être de questionner la politique d’achats (choix et nombre de matériel, rythme de renouvellement) ou l’écoconception des services numériques (besoins, fonctionnalités utiles,…) ; et chacun saura mieux où agir en priorité pour maximiser les effets de ses efforts.
  • Et au-delà : usagers comme collègues, toute et tous auront aussi et ainsi, à la fin de l’atelier, les connaissances pour sensibiliser et passer le message à leur entourage, soit en parlant de ce sujet, soit en se formant pour devenir à leur tour animateur.

Pour en savoir plus sur les modalités de participation à une Fresque du numérique, nous vous invitons à prendre connaissance du fonctionnement acté par l’association Fresque du numérique pour le déploiement de cet outil :

Extrait du site web Fresque du numérique : comment participer

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Nous espérons que cet article vous aura été utile et vous invitons notamment, pour poursuivre la réflexion, à consulter, à ce lien : Numérique – ABF Bibliothèques Vertes, nos autres articles abordant la question du numérique, parmi lesquels notamment :

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