Retours de congrès ABF 2023 par notre commission : chaussons nos lunettes vertes

Nous étions plusieurs membres de la Commission Bibliothèques Vertes ABF à être présents au 68e congrès de l’Association des Bibliothécaires de France à Dunkerque qui a eu lieu du 8 au 10 juin 2023 : l’occasion d’échanger avec les collègues, de réfléchir collectivement, et sous de nombreux angles complémentaires, aux collections de tous types de bibliothèques, et de présenter aux congressistes notre travail sur les enjeux environnementaux en bibliothèques, dans le travail documentaire et au-delà.

Sur une idée originale de Florence Rodriguez, avec ce billet choral orchestré par Julie Curien, et dont la première partie est signée Julie Curien, la deuxième Florence Rodriguez et la troisième Jean-Marie Feurtet, nous avons le plaisir de jouer les prolongations de ces riches journées professionnelles, en partageant avec vous quelques éléments de retour sur le vif qui, nous l’espérons, permettront de poursuivre les réflexions de toutes et tous sur la fibre verte des bibliothèques !

Le congrès vu par Julie

« Commençons par le cadre d’accueil, sous un ciel splendide, sur la plage de Malo à Dunkerque : un congrès avec vue sur la mer, qui dit mieux pour relier les bibliothèques et les bibliothécaires, non pas seulement à leur environnement professionnel, mais aussi à l’environnement compris comme une ressource naturelle, qui au-delà de son caractère apprécié et appréciable, se décline aussi et surtout en indispensable ? Nous vous invitons à (re)lire à ce sujet ce billet qui présente les outils proposés par le collectif Génération MER pour la préservation des océans. Les congressistes ont apprécié d’alterner les temps de rencontres dans les murs du Kursaal et le bol de plein air marin en extérieur le temps de leur séjour :

La Commission Bibliothèques Vertes étant née après le congrès 2022, cette édition 2023 a été notre « première fois » en tant que commission : nous avons ainsi pour la toute première année organisé un temps de rencontre avec les congressistes, jeudi 9 juin à 15h, au stand ABF (eh oui, avec vue sur la mer toujours). Vous avez été nombreux à nous rendre visite, à venir poser des questions et nous faire vos retours d’expérience : un grand merci, nous nous sommes réjouis de votre intérêt pour ce travail, de vos questions et de vos actions déjà engagées dont vous avez pu nous faire part à cette occasion. J’ai pu parler avec vous de l’activité sur notre blog https://bib.vertes.abf.asso.fr, des ressources que nous mettons à votre disposition, notamment de :

  • la carte thématique interactive permettant de choisir un point d’entrée pour engager une démarche verte en bibliothèque, mais aussi de visualiser les ponts avec d’autres actions afin de poursuivre le travail dans une démarche qui fait peu à peu globalement sens et irrigue les différents pans de l’activité de notre secteur professionnel
  • l’agenda où nous recensons toutes les actions de formations et rendez-vous professionnels que nous repérons pour rendre visible et faciliter, à notre hauteur, l’inscription des personnels à ces événements participant à la montée en compétences des agents
Rencontre avec la Commission Bibliothèques Vertes ABF – 8 juin 2023 – 15h-16h
L’occasion de vous faire découvrir les coulisses de la Commission
et d’échanger ensemble sur les enjeux environnementaux en bibliothèques !

J’ai aussi eu le plaisir d’échanger, sur le salon, avec plusieurs collègues de différentes régions qui m’ont fait part de leurs projets, en cours de programmation, d’organiser très prochainement, sur leurs territoires respectifs, des rendez-vous professionnels sur cette thématique : on note le dynamisme en marche et l’intérêt collectif pour le sujet.

D’une conférence l’autre sur les collections, je me suis posée cette question 3-en-1 qu’il me semble à continuer d’explorer pour l’avenir des politiques et gestions documentaires dans les bibliothèques : entre le durable et le jetable, comment trouver le juste milieu ? comment constituer des collections durables qui continuent de comprendre un ancrage essentiel dans l’actualité (et concilier ainsi actualité et durabilité) ? comment ne pas constituer des collections jetables, mais construire une 2e chance pour les emprunts et consultations, construire une 2e vie pour l’ensemble des documents dans une dynamique de réemploi avant d’aller vers des filières de recyclage tant que possible – en résumé, comment documenter et construire la vie de A à Z de nos collections en vue de s’assurer qu’elle soit la plus efficace possible sur le plan environnemental, en lien avec l’ensemble des missions ? Je retiens à ce stade deux pistes transverses essentielles pour traiter ces enjeux :

  • La question de la médiation et du lien avec les publics, y compris en développant des démarches participatives, reste plus que jamais essentielle pour qu’une collection rencontre ses publics et vice-et-versa.
  • Les logiques de réseau et au-delà de mutualisation (qu’on retrouve par exemple dans les projets de fonds voyageurs ou flottants, les plans de conservation partagés, les réserves mutualisées…), y compris avec un large faisceau de partenaires pour le volet réemploi, semblent constituer des leviers essentiels pour un circuit du document plus vert, et oserais-je le jeu de mot, plus vertueux.

Je terminerais par cette « colle », inspirée de la rencontre très intéressante intitulée « Ma Dewey va craquer » et appliquée au domaine d’activité de la Commission Bibliothèques Vertes ABF : dans nos collections, où « ranger », si l’on peut parler ainsi, la crise climatique ? Une question et, sans doute, une pluralité de solutions, parmi lesquelles la constitution d’un fonds « Transition écologique » ou « Développement durable » (sujet à l’ordre du jour du prochain webinaire en ligne Bibliothèques et Développement durable du 15 juin) et/ou des mises en lumière de documents sur ce sujet via des sélections documentaires, tables thématiques, rencontres, etc. »

Le congrès vu par Florence

« Intervenante sur le sujet lors d’une conférence le samedi matin, j’allais au congrès avec l’envie de partager autour des thématiques d’éco-gestion des collections, de leur sélection à leur réemploi. Et bien je n’ai pas été déçue !
D’abord, plusieurs acteurs de l’économie sociale et solidaires étaient présents sur la partie salon, pour présenter des dispositifs de revente facilitées depuis la promulgation de la loi bibliothèque, sur laquelle était proposée aussi une table ronde, ou des initiatives de plus en plus répandues telles que des braderies ou des boites à livres.

Nous avons eu confirmation, lors de la rencontre avec la Commission Bibliothèques vertes ABF organisée le jeudi après-midi, que tous les acteurs de la profession partagent ces problématiques et souhaitent les intégrer à leurs projets. Parmi les questions posées à ce sujet :

  • comment acheter responsable ?
  • comment équiper en réduisant les déchets et les matériaux plastiques ?
  • comment s’inscrire dans une démarche d’économie circulaire ?

Nous avons pu éclairer de nombreux points tout en notant aussi que ces sujets restent largement à explorer, par la commission mais aussi au sein des établissements, dans une dynamique d’expérimentation. Cette rencontre a permis de présenter notre démarche pour donner des pistes de réflexion et les échanges ont été très enrichissants.

Les fonds-flottants, le désherbage, les retours d’expérience avec des structures telles que Mots & Merveilles, la thématique de l’écologie était présente dans nombreuses intervention et chez les différents fournisseurs et prestataires partenaires. C’est inspirant et prometteur, en particulier pour les prochains rendez-vous à venir.

Le stand Tacktotec par exemple présentait une nouvelle gamme écoresponsable bois de présentoirs

Mon intervention le 10 juin intitulée « L’éco-responsabilité dans la gestion des collections » s’est très bien passée (ci-dessous une image prise par Julie quelques minutes avant le début) et a été là aussi suivi d’échanges très fructueux. Le lien avec les questions de politique documentaire semble bien plus évident pour les collègues qu’il n’a pu l’être par le passé et la question du développement durable les nourrit beaucoup ! »

En route pour l’éco-responsabilité dans la gestion des collections !

Le congrès vu par Jean-Marie

(avec sa double casquette Bibliothèques Vertes & Cyclo-Biblio)

« Un congrès buissonnier : retour (avec des lunettes vertes) sur l’édition 2023 de Cyclo-Biblio !

Les origines et les principes de l’événement « Cycling for libraries » / « Cyclo-Biblio » ont déjà été présentés par la présidente de l’association dans un précédent article publié sur le blog Bibliothèques Vertes ABF. Nous ne reviendrons donc pas ici sur l’intérêt d’une pratique « péripatéticienne » du plaidoyer (advocacy) et de l’échange professionnel : pro/perso, nature/culture, tête/jambes, agents/cadres… autant de barrières par trop habituelles qui s’estompent ou se redéfinissent l’espace de quelques jours (et nuits, même écourtées). Synecdoque sur fond de mobilités douces et décarbonées d’une vie professionnelle « bonne » et relationnelle, le peloton des 50 cyclothécaires qui tinrent le guidon six jours durant de Lille à Dunkerque a ainsi pu trouver de multiples occasions d’interroger le périmètre et les limites des actions des bibliothèques en direction d’une société plus écologique.

Dès le premier jour, la visite de la médiathèque L’Odyssée à Lomme, qui s’est vue décerner en 2018 le Prix Livre hebdo de l’innovation numérique, plonge le groupe dans le contexte d’un établissement subitement « dénumérisé ». Suite à une cyberattaque subie en mars dernier, la quasi-totalité des outils et services numériques du réseau des bibliothèques municiaples de Lille-Lomme-Hellemmes ont été mis hors service, des automates de prêts jusqu’au système d’information documentaire. Les collections circulent au ralenti (les retours de documents étant suspendus, le robot trieur et les armoires de retour connectées à l’arrêt), la programmation culturelle et ses dynamiques s’en trouvent aussi sensiblement affectées. Devant la multiplication déjà effective et prévisible de ces situations de crise, indépendamment des nécessités vitales et essentielles qui ont partie liée avec l’outil numérique, et au-delà de la course à la sécurisation qui pourrait s’ensuivre, l’organisation de plus grandes formes de résilience numérique et la systématisation des alternatives au numérique deviennent d’une grande importance. Les bibliothèques ont d’évidence une part d’initiative et d’imagination à prendre dans ces réflexions.

Le prolongement de la médiathèque à l’immédiat extérieur de ses murs (jardin-verger de la médiathèque de La Madeleine), le développement des objethèques (prêt de matériel de cuisine à Sciences Po Lille), la pénétration croissante des enjeux de l’économie circulaire et solidaire locale (OpenLab de la bibliothèque de Courtrai), l’introduction de la médiation animale (atelier – retour d’expérience des BU d’Angers), le souffle littéraire d’une excursion à la résidence d’écritures du Mont Noir (villa Marguerite Yourcenar, dont le discours de Québec en 1987 [« la formule ‘Terre des hommes’ est extrêmement dangereuse : la Terre appartient à tous les vivants… »] accueille le visiteur), la « flopée de services cyclo-compatibles » rencontrés au fil des jours… dessinent des perspectives plus ou moins implicites, engagées ou inattendues vers une transition écologique.

Arrivée des cyclothécaires de la Flandrienne 2023 devant la médiathèque Au fil des mots à Bailleul

Pour autant, les perceptions et positionnements professionnels ne sont pas univoques et se caractérisent au contraire par une grande hétérogénéité, y compris parmi les cyclo-thécaires, comme en atteste un débat mouvant sur l’écologie en bibliothèques, improvisé entre cyclothécaires à l’ombre du cèdre de l’ancienne école de filles de Bailleul, devenue la médiathèque « Au fil des mots ». Parmi les termes débattus dessinant autant de directions mais aussi de points de vue tranchés : « Les bibliothécaires doivent devenir des acteurs (majeurs) de la transition écologique en se spécialisant dans toutes formes de prêts et mutualisations« , « L’écologie est une rébellion de l’esprit contre toute forme de pouvoir abusif« , ou encore « Les bibliothèques se doivent de proposer des alternatives à la numérisation du monde« . Pour être authentiquement sobres et durables, faut-il accepter (et dépasser) le risque de ringardise (du mobilier par exemple) et de ralentissement (de la captation des attentions), par-delà nos rôles de mises en communs ? En appelant à l’humilité (« faire sa part » dans des circuits économiques, politiques, matériels qui dépassent de très loin les seules bibliothèques), corollaire d’une simplicité et d’une forme de bon sens qui ne sauraient être étrangers aux pensées et actes écologiques, certains ont voulu rappeler à la fierté d’être déjà, et depuis longtemps, les artisans efficaces et très présents des communs et d’un vivre-ensemble souhaitable et soutenable.

Le sujet est ouvert et sur la table : reste à continuer de s’en emparer, en s’outillant au maximum via l’organisation et la participation à des cycles de formations, et en travaillant de manière concertée pour continuer de construire dans les bibliothèques des projets utiles, cohérents et inspirants en matière de transition écologique. »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *