Les commissions Advocacy et Bibliothèques Vertes de l’Association des Bibliothécaires de France (ABF) conduisent une campagne de plaidoyer sur les bibliothèques actrices de la transition écologique. Dans le cadre de cette démarche, nous avons recueilli de précieux témoignages sur le dynamisme des bibliothèques sur ces enjeux, et nous les partageons avec vous, à travers une série d’entretiens que nous avons eus avec des bibliothécaires engagés ayant répondu à notre enquête. Bonne lecture !
Aujourd’hui, Jean-Marie Feurtet, membre de la commission Bibliothèques Vertes ABF, donne la parole à Juliette Pinçon, directrice adjointe de la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations (BULAC).

C’est en 2011 que la BULAC, Bibliothèque universitaire des langues et civilisations, a ouvert ses portes au sein du Pôle des langues et civilisations, situé au 65 rue des Grands Moulins, dans le XIIIe arrondissement de Paris. À elle seule, la BULAC occupe un peu plus de la moitié d’un bâtiment de 32 000 m2 signé par Yves Lion. À l’époque, l’architecte qualifie son projet de « confortable, simple et robuste », en soulignant que le choix de la brique, « matériau commun, universel, permanent, à toutes épreuves […] n’interdit pas le verre et la transparence, l’aluminium, les protections solaires extérieures, le contrôle des dépenses énergétiques, l’entretien, l’attention à l’état de la planète ». L’articulation entre l’intérieur et l’extérieur est un des concepts centraux du bâtiment : chaque partie des locaux est mise en relation avec les jardins thématiques qui leur sont adjacents.

(crédits Grégoire Maisonneuve / BULAC)
Par ailleurs, les équipes de la BULAC portent depuis l’origine une attention soutenue aux enjeux écologiques, qui irriguent la politique d’établissement, le pilotage du bâtiment, le fonctionnement et l’animation du collectif de travail.
Management environnemental cadré par une charte verte
La démarche environnementale de l’établissement fait l’objet d’un pilotage global, au travers d’une charte verte de la BULAC, qui recense et analyse les pratiques professionnelles sous le prisme de la question environnementale, dresse une synthèse des bonnes pratiques en la matière et formalise une posture validée à titre collectif. La charte verte a vocation à impulser l’engagement de chaque agent par le biais d’actions visibles et concrètes, inscrites tout à la fois dans le quotidien, dans la durée, et dans la perspective des responsabilités sociales et environnementales qui incombent à l’établissement.
La BULAC s’efforce de communiquer sur son engagement environnemental (avec notamment sa page web destinée à la sensibilisation du public), en rappelant que sa politique de large ouverture (gratuite, à tous publics, du lundi au samedi de 10h à 22h) contribue à aider des personnes touchées par la précarité (énergétique notamment). Dans un proche avenir, un nouveau local situé à une des extrémités du Pôle des langues et civilisations, la « Pointe Cantagrel », ouvrira sous forme de tiers-lieu dédié à la restauration, à la sociabilité étudiante (zones de travail et de détente) et à l’animation culturelle (accueil en soirée d’événements culturels et scientifiques). Le projet vise notamment à favoriser l’économie locale en privilégiant les acteurs de l’économie sociale et solidaire et en misant sur des hommes et femmes du territoire en situation de fragilité, grâce au partenariat avec l’association à but d’emploi 13 Avenir.
Vis-à-vis des personnels, l’établissement encourage les mobilités douces (forfait mobilités durables, mise à disposition d’un parking à vélo et de douches) et a instauré un programme « Bouger à la BULAC » sous la forme de pauses sportives et ludiques à destination de tous les agents. Il s’agit aussi « d’ancrer le cœur de métier dans l’éco-responsabilité ». Les diverses contributions de la bibliothèque à l’économie circulaire ou de fonctionnalité (plan de conservation partagée des périodiques, partenariat avec Ammareal pour la collecte des livres désherbés…) se déploient aussi dans des compétences spécifiques : ainsi la réparation du mobilier est-elle assurée en local par un agent de la Direction technique du bâtiment, formé au soudage acier et aluminium.
Enfin, à l’égard des collections, les documents cadres en termes de protection et de préservation du patrimoine culturel (charte de la conservation, plan de sauvegarde des biens culturels, programmes de numérisation) intègrent les risques écologiques et les aléas naturels liés au changement climatique. Le souci de limiter les impacts du numérique est sous-jacent au projet de chaîne de gestion et d’archivage des contenus numériques documentaires et administratifs, produits ou collectés par l’établissement.
Piloter le bâtiment dans un contexte de sobriété énergétique
Livré en 2011, le bâtiment de la BULAC a fait l’objet d’efforts continus et soutenus de maintenance qui ont permis d’améliorer sensiblement son efficience énergétique et ses consommations de fluides : ainsi, en un peu plus d’une décennie, la consommation énergétique du bâtiment a quasiment diminué de moitié (atteignant en cela les objectifs fixés pour 2040 par la loi Elan).
D’année en année, une attention croissante a été portée à l’usage raisonné des ressources, pour concilier le fonctionnement d’une bibliothèque académique – exigente en électricité, en moyens informatiques et numériques – avec des impératifs écologiques et budgétaires. Le plan de sobriété de l’établissement, mis en place en 2022 dans un contexte de crise énergétique et d’inflation, a dès lors convergé avec une démarche de sobriété énergétique préexistante et misant sur l’intelligence collective comme vecteur de transformation. En 2023-2024, les dépenses énergétiques et les enjeux de la transition écologique ont été au cœur d’un dossier majeur du programme d’activité de l’établissement, « La BULAC en alerte ! ».
Détaillons ici certains aspects, ressorts et conséquences de ce plan de sobriété énergétique :
- L’outil principal d’optimisation de la consommation énergétique est le système informatique centralisé de GTB (Gestion technique du bâtiment), qui commande et régule les automates des 42 locaux techniques du site, synthétise les comptages et alerte sur les dérives. Un travail de paramétrage fin est mené avec l’appui du prestataire de maintenance de ce dispositif.
- Climatisation : le refroidissement de l’auditorium de la BULAC est désormais limité aux seules périodes de canicule. En 2022, la mise à l’arrêt des groupes de refroidissement a permis de mettre en évidence les effets parasites d’un certain nombre d’équipements sur les conditions climatiques des 5 000 m² de magasins : après quantification de la part de réchauffement induite par l’éclairage et le fonctionnement des armoires froides, la Direction technique du bâtiment a pu procéder à des adaptations globales (modification des horaires de fonctionnement de la VMC, ajout de minuteries, suppression d’un luminaire sur deux dans les espaces de circulation, déplacement d’unités extérieures de refroidissement).
- Ventilation : l’ajout d’horloges sur les alimentations électriques des 4 moteurs de ventilation des zones sanitaires évite leur fonctionnement à des horaires inutiles, contribuant à éroder le « talon » des consommations nocturnes. Les plages de fonctionnement des centrales de traitement d’air des locaux aérés par ouverture des fenêtres ont été optimisées. La prise en compte des effets du réchauffement climatique, en particulier en termes de confort estival, a rendu inévitables de nouveaux investissements, comme la pose d’ouvrants de ventilation naturelle permettant un rafraîchissement nocturne des 5 000 m² de la salle de lecture en période de canicule. Ce type de mesures passives, exploitant les caractéristiques physiques du bâtiment, vient contrebalancer l’effet des mesures de sobriété (comme l’arrêt des groupes froid), en contribuant à les rendre acceptables à des usagers s’appropriant aussi le lieu en tant que refuge climatique.
- Éclairage : la réduction au strict minimum de l’allumage des spots du hall d’entrée principal, durant les plages d’accès réservées aux chercheurs (6 nuits par semaine, 49 semaines par an), permet des économies substantielles sur les consommations d’éclairage. Une campagne de remplacement des sources lumineuses (substitution de leds aux tubes fluo) est menée au fil de l’eau, sans aller jusqu’aux remplacements en masse initialement envisagés, afin d’amortir au maximum le bilan carbone des anciens tubes.
- Les ballons d’eau chaude sanitaire à accumulation, arrivant en fin de vie au terme de 12 années de service, sont en cours de remplacement au profit de chauffe-eaux instantanés classés A en termes de consommation électrique. Si ces derniers nécessitent une intensité électrique importante sur de courtes durées d’utilisation, ils permettent de s’exonérer du maintien à température minimale de centaines de litres.
La BULAC et ses espaces verts
Le Pôle des langues et civilisations dispose d’un jardin, mais aussi de toitures végétalisées, qui présentent un potentiel d’accueil de la biodiversité, et ont récemment été labellisés « Petit patrimoine naturel ».
Ce programme de la Région Île-de-France vise à encourager les propriétaires et locataires de petits espaces de nature (de 50 à 20.000 m²) à y développer de bonnes pratiques en faveur de la biodiversité. Le dispositif implique de respecter un cahier des charges en lien avec la biodiversité pour une durée de cinq ans.
Le jardin est entretenu par la Direction technique du bâtiment et l’association du personnel qui anime régulièrement des ateliers de jardinage. Cette association promeut par ailleurs les circuits courts en donnant accès à une AMAP.

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Les multiples initiatives et actions citées au fil de cet article ne constituent pas une liste exhaustive ; en les prenant toutes en considération, celles-ci émargent significativement à 9 des 17 Objectifs de développement durable de l’Agenda 2030 [ODD 3, 4, 5, 7, 8, 11, 12, 15 et 16]. C’est avec une galerie de regards photographiques sur le jardin de la BULAC au fil des saisons que nous conclurons, en vous invitant à parcourir ces coups d’œil saisonniers sur les espaces végétalisés de la BULAC, manifestant leur intégration au projet et à l’esprit des lieux.

(crédits : Maxime Ruscio / BULAC)
Un grand merci à Jean-Marie Feurtet et Juliette Pinçon pour cet entretien ! Nous vous donnons rendez-vous la semaine prochaine sur le site web Bibliothèques Vertes ABF pour un nouvel entretien afin de continuer d’explorer ensemble les témoignages d’actions vertes menées en bibliothèques : #MaBibliothèqueVerte – ABF Bibliothèques Vertes.


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