Jeux & enjeux environnementaux : l’approche éco-ludique en bibliothèque

Découvrir les enjeux de l’environnement en s’amusant, c’est possible, et à tout âge ! La Commission Bibliothèques Vertes ABF met en lumière aujourd’hui comment les jeux peuvent permettre d’aborder et de comprendre les enjeux environnementaux, et quels rôles les bibliothèques peuvent jouer (promis, on n’a pas fait exprès d’utiliser ce mot, ah en fait oups… si !) pour mettre à disposition des publics ces ressources : ou comment considérer la problématique environnementale comme un nouveau terrain de jeu.

Le présent billet, rédigé par Julie Curien, est construit en deux grandes parties, l’une consacrée aux collections, l’autre aux médiations, et se nourrit de trois retours d’expérience qui nous sont parvenus suite à un appel à témoignages :

• Des sélections de pépites écoludiques, issues de deux sources complémentaires :
  • des jeux testés et conseillés par Sandrine Capel (qui travaille à la médiathèque à l’Écolothèque, de Montpellier Méditerranée Métropole ; et membre de la commission Bibliothèques Vertes ABF)
  • des jeux proposés à la Bibliothèque Buffon (Paris) d’après les informations de Marie-Caroline Bretillot
• Une programmation événementielle du côté des bibliothèques universitaires : semaine ludique du développement durable dans les bibliothèques de Sorbonne Université, sur laquelle Lorette Bonnetain et Clara Salgado nous apportent leurs éclairages.

Collections : acquérir et valoriser des jeux sur l’environnement

Nous allons d’abord parler COLLECTIONS de jeux de société, ou quand la bibliothèque se fait aussi, pour partie, ludothèque (et/ou tisse des partenariats avec des ludothèques) ! Nous nous fondons dans cette partie de billet sur les retours de Sandrine Capel et Marie-Caroline Bretillot, un grand merci à elles. Et nous ouvrons le sujet sur la fabrique de jeux éco-responsables dans le fond comme dans la forme, avant d’élargir le propos à la présentation d’une sélection de jeux intéressants à acquérir et valoriser en bibliothèque, auprès des publics jeunesse… et adulte.

Petite fabrique de jeux éco-responsables (allier le fond et la forme)

Le saviez-vous ? Certains maisons d’éditions de jeux allient le fond et la forme dans la conception et la fabrication de jeux écoresponsables. C’est le cas par exemple des :

• Jeux édités et conçus par Bioviva, notamment :  Playa playa, Tri’nature, Miam’nature, le jeu du potager, les énigmes nature… https://www.bioviva.com/fr/
• Jeux de Sloli éditions : jeux en bois de 4 à la suite fruits et légumes, de dames (tomates), jeu de dominos sur les fonds marins… https://www.sloli-editions.com/
• Jeux des éditions Adventices : jeux de tri pour « un apprentissage spontané du vivant », outils pédagogiques pour découvrir l’écosystème de la forêt, jeu pour se familiariser avec la temporalité des saisons et le potager… https://boutique.editionsadventices.fr/
• Jeux des éditions Betula : un jeu de mémo nature, de bataille nature et une chasse aux champignons !  https://betula-jeux-nature.fr/IMG/pdf/cata_jeux_4p.pdf

Et un petit dernier pour la route : le petit composteur, un jeu de défausse pour découvrir les biodéchets et les règles du compostage présenté dans la vidéo ci-dessous.

Autres jeux d’éveil voire d’éducation à l’environnement

Lumière sur des petites pépites, qui, vous le verrez, peuvent s’adresser à de très jeunes publics… mais aussi se jouer jusqu’à 100 ans et plus encore :

• Les jeux de mémory de Pirouette et Cacahouète, qui propose un catalogue de jeux nature, développe une série de « mémos » conçus comme des chasses aux images éducatives qui développent la mémoire et le sens de l’observation de la nature (ils sont généralement constitués de 40 cartes accompagnés d’un imagier) pour des enfants âgés de 4 ans ou plus :

• Un jeu de loto nature, enrichi de questions-indices, jouable dès l’âge de 4 ans édité par le CIEAS (Centre d’Information sur l’Environnement et d’Action pour la Santé) et NatureParif – Agence régionale pour la sauvegarde et la connaissance de la biodiversité en Île-de-France : le loto des petits fruits sauvages

• Les jeux éducatifs du mouvement CPN (sigle pour Connaître et Protéger la Nature) qui se présente comme une « école de la nature » : 
  • des jeux d’observation et de rapidité (à partir de 5 ans)
    • pour apprendre à reconnaître les oiseaux : Kiquimank ? Oiseaux
    • pour apprendre à reconnaître les feuilles des arbres : Kiquimank ? Feuilles
  • un loto-bingo pour jouer dans la nature : Kiquéla ? (à partir de 10 ans)
  • un jeu de cartes qui permet de comprendre le rôle des êtres vivants dans la décomposition de la matière organique : Pose, ça décompose ! (à partir de 12 ans)

• Les jeux Opla ont également développé une Collection Nature comprenant les jeux de stratégie suivants à pratique à partir de 6-7 ans:
  • Pom Pom (à partir de 6 ans) : « quels fruits et légumes cultiver tout au long de cette année pour que la récolte soit la meilleure ? Les jours de marché se succèdent pour vendre vos productions. Mais la nature est imprévisible, alors gare aux calamités de saison ! Tactique et prise de risque seront de mise pour vendre les plus beaux paniers… Bonnes récoltes ! »
  • Il était une forêt (à partir de 7 ans) : « jamais un jeu ne vous aura donné un aussi beau pouvoir : devenez l’architecte d’une forêt primaire. Pour gagner la partie, soyez le meilleur stratège : votre forêt devra être la plus grande et la moins dégradée par l’homme. Et surtout, n’oubliez pas que la faune et la flore doivent toujours être en équilibre… »
  • Pollen (à partir de 8 ans) : « en quête de pollen et de nectar, abeilles et bourdons partent explorer la prairie. Menez votre pollinisateur vers les fleurs porteuses du précieux butin, en privilégiant vos favorites. Et comme une même fleur peut avoir la faveur des deux insectes, il va falloir ruser ! Tactique et déduction seront de la partie… Que la récolte commence ! »
  • Migrato (à partir de 9 ans) : « vous devrez gérer et guider la migration de cinq espèces d’oiseaux. Cependant, tous n’ont pas les mêmes habitudes de vol et ne parcourent pas la même distance. Il faudra donc faire preuve d’adaptation et de stratégie pour poser les bonnes cartes au bon moment, faire attention aux obstacles, et garder un œil sur le jeu de l’adversaire… »

Et aussi, à partir de 7-8 ans ans, les quelques autres jeux suivants : Codex Naturalis aux éditions Bombyx où l’on poursuit le travail d’un moine enlumineur pour assembler les pages d’un manuscrit secret qui recense les espèces des quatre règnes vivants dans les forêts primaires ; Canopée aux éditions Lucky Duck Games où deux joueurs font prospérer l’équilibre de la faune et de la flore au sein de la jungle et de son écosystème ; Photosynthesis chez Blue Orange et Arboretum chez Renegade Game Studio qui se fondent sur les essences des arbres pour définir leurs mécaniques de jeux.

A partir de 10-12 ans, d’autres jeux peuvent prendre le relais comme :

• Living Forest, un jeu Ludonaute de plateau et stratégie (as d’or Cannes 2022) où vous jouez un esprit de la nature désigné pour tenter de sauver la forêt : pour tout savoir sur ce jeu, rendez-vous ici

• Des jeux où l’on voyage & change de décor tout en continuant d’explorer la richesse comme la vulnérabilité de notre environnement pluriel :
  • Cascadia, un jeu (édité par Lucky Duck Games) d’assemblages de tuiles et de draft de jetons où il s’agit de créer un écosystème diversifié et harmonieux au Nord Ouest du Pacifique
  • Parks, un jeu de collection et de placement d’ouvriers (édité par Matagot) dans l’environnement des parcs nationaux étasuniens, où les joueurs sont des randonneurs qui visitent ces sites naturels, observent la faune, etc. et vivent dans cette immersion le cycle des 4 saisons.
  • Sauvons l’oasis : un jeu de cartes semi-coopératif conçu par le RADDO (Réseau Associatif de Développement Durable des Oasis : réseau d’associations actives au Maghreb pour la sauvegarde des Oasis et pour la promotion du développement durable en milieu oasien). Ce jeu sensibilise aux nombreux aléas qui fragilisent et empêchent le développement des oasis (sécheresses, épidémies…), en donnant la main aux joueurs pour tenter de faire vivre le leur et lui permettre de s’épanouir.

Médiations : on joue ?

Qui dit jeu dit bien souvent convivialité, ce qui rime avec sociabilité… et l’on retrouve les missions de responsabilité sociétale et environnementale des bibliothèques quand ces dernières développent une offre documentaire et/ou une offre de services ou de programmation culturelle abordant les problématiques environnementales sous l’angle du jeu.

Les bibliothèques de Sorbonne Université ont par exemple programmé début 2023 une semaine du développement durable, dont vous trouverez la programmation complète à ce lien :

Deux collègues, Lorette Bonnetain et Clara Salgado, nous parlent un peu des coulisses de cet événement :

La genèse et les objectifs de cette semaine éco-ludique

« Le contexte de mise en place de cet événement est parti du désir de créer de l’animation culturelle autour du jeu et de l’écologie, deux thématiques qui nous tenaient à cœur. De plus, dans le contexte de notre département Formation et innovation pédagogique, nous sommes intéressé·es par le jeu et l’approche ludique de la pédagogie. » Et pour faire plus simple, sans rien enlever aux autres enjeux de cette journée : « Nos objectifs étaient simples, étant donné que nous avions simplement envie de partager ce sujet avec les étudiant·es que nous savons aussi joueurs que nous. »

La programmation : à vous et nous de jouer !

Au menu de cette semaine, notons un recours à une large palette de jeux pour sensibiliser à l’écologie, des jeux à fabriquer soi-même jusqu’aux jeux vidéos…, avec une forte dynamique participative tout au long de l’événement.

• Boîte à idée & fabrique de jeux : le postulat ou principe de départ est de « faire du jeu avec rien », de proposer ses idées de jeux qui ne coûtent rien ou qui demandent peu de matériel.
• Découverte de jeux de société sur l’environnement, en partenariat avec une association étudiante.
• Exploration du sujet « jeux vidéo et écologie » à travers
  • Une exposition en quatre panneaux : le premier concernait l’ »impact écologique du numérique », le deuxième posait la question « qu’en est-il des jeux vidéo ? », le troisième enchaînait sur l’interrogation « quelles peuvent être les solutions ? », et le dernier proposait une « sélection de 5 jeux vidéo qui parlent d’écologie ».
  • Battle de highscores : « Nous avons proposé aux étudiant·es de découvrir 4 jeux vidéo indépendants gratuits, disponibles sur itch.io, et de chercher à obtenir le plus haut score pour remporter un cadeau. Ces quatre jeux étaient : Roots, Polar Panic, Hypha, Eco-shift. Nous avons sélectionnés ces quatre jeux car ils avaient tous un lien avec l’environnement, la nature, ou la crise climatique, en plus d’avoir été créés par des créateurs indépendants et mis à la disposition de tous et toutes. »
• Un mur d’expression pour les publics, complété d’un « fanzine » de l’exposition pour prolonger l’expérience avec de nouveaux jeux (mots croisés, quiz de personnalité…).

Un petit mot sur le bilan de l’événement ? « Les bénéfices ont été multiples, de notre côté comme de celui des étudiant·es. Nous avons discuté avec certain·es d’entre elles et eux : ils et elles ont appris de nouvelles choses sur le sujet au travers de notre exposition, et nous-mêmes avons reçu de leur part de nouveaux éclaircissements et des partages d’expérience. Ils et elles ont laissé de gentils mots nous remerciant pour l’exposition et l’événement sur notre mur. De manière générale, nous avons tous passé un bon moment » !