La commission Bibliothèques Vertes de l’Association des Bibliothécaires de France (ABF) vous propose ce nouveau billet sur la gestion matérielle des collections, avec une question à l’étude : faut-il alléger l’équipement des documents ?
Depuis plusieurs années, les bibliothèques publiques et universitaires se sont lancées dans différentes expérimentations d’allègement de l’équipement des documents ; de la médiathèque de Canopée (depuis 2020) à la ville de Villeurbanne qui vient de lancer une campagne intitulée « La planète a chaud, les livres se découvrent », ces tests pluriels répondent à des enjeux environnementaux (limiter l’utilisation du plastique issu du pétrole et permettre le recyclage du papier / carton, tout en assurant la durabilité des collections) mais rejoignent également parfois des préoccupations budgétaires (limitation du coût des fournitures d’équipement) et organisationnelles (réduction du temps de travail consacré à ces tâches).
Afin de dresser un panorama de l’état de ces réflexions dans les bibliothèques universitaires, le Service commun de la Documentation (SCD) de l’Université Rennes 2 a lancé en mars-avril 2024 une vaste enquête pour connaître les pratiques déjà engagées dans l’enseignement supérieur. Nous vous proposons dans ce billet d’en découvrir les principaux résultats.
L’enquête
Pilotée par Lucie CRUGNOLA, gestionnaire adjointe des collections à la Bibliothèque universitaire (BU) centrale de Rennes 2, cette enquête avait pour objectif d’interroger les pratiques d’équipement dans les bibliothèques universitaires, afin de faire évoluer l’équipement au sein du SCD Rennes 2 vers un meilleur respect de l’environnement.
Diffusée par mail et sur les réseaux sociaux (et relayée par la commission Bibliothèques vertes 😊), cette enquête a recueilli 52 réponses au total, provenant d’établissements variés (Paris Saclay, Angers, Lyon 1, Panthéon Sorbonne…).
Pratiques et matériels
La couverture des documents avec du film plastique est le principal facteur sur lequel on peut apporter des améliorations environnementales, en supprimant cette étape ou en utilisant des films biosourcés. Ce que révèle l’enquête, c’est que 70% des répondants déclarent déjà ne pas couvrir tous leurs documents, pour des raisons variables liées aux types de documents, à leur fragilité, à leur coût ou encore en fonction du taux de rotation prévu ou de la durée de conservation. Seuls 4 établissements ont répondu qu’ils continuaient à couvrir systématiquement tous les documents.
Les films PVC, adhésifs ou non, restent très majoritairement utilisés : parmi les répondants, un seul établissement indique couvrir avec un film adhésif biosourcé.
Selon les systèmes antivol des bibliothèques, les documents sont équipés soit de puces RFID, soit de bandelettes magnétiques. Toutefois, il est à noter que deux établissements ont fait le choix de ne pas protéger leurs collections contre le vol.
L’enquête s’intéressait également à la réparation des documents : il ressort qu’il est rare que les bibliothèques possèdent un budget dédié aux réparations, qui sont assurées par les agents en interne : traitement des pages détachées ou décollées, des dos abîmés et des couvertures détériorées. Il s’agit là de petites réparations, qui pourraient sans doute être limitées par quelques actions de conservation préventive au moment de l’équipement (pose de coins ou de protège-coiffes par exemple).
Organisation de l’équipement
Une partie de l’enquête portait sur les personnels chargés de l’équipement des documents : sans surprise il s’agit majoritairement d’agents de catégorie C, parfois aussi de moniteurs étudiants, plus rarement d’agents de catégorie B (selon la taille de la bibliothèque).
Le temps dédié à l‘équipement est minoritaire, les magasiniers étant souvent chargés de nombreuses autres activités (accueil, PEB, désherbage, catalogage, valorisation, gestion des réservations…). Les tâches d’équipement se déroulent le plus souvent dans un espace partagé, allant du bureau à 2 personnes jusqu’à l’open space.
Vers des pratiques davantage éco-responsables
Ce qui ressort de cette enquête c’est que des changements pour accompagner la transition écologique ont déjà été largement engagés dans tous les domaines :
Concernant l’équipement plus spécifiquement, la tendance qui se dégage est celle de la réflexion et des expérimentations.
Deux freins sont plus particulièrement identifiés pour modifier les pratiques d’équipement :
- Le manque de temps et de personnel
- L’offre commerciale insuffisante (un répondant souligne que les adhésifs organiques sont encore peu satisfaisants, un autre déplore le manque de matériaux écologiques proposés par les fournisseurs)
Ces enquêtes sont très précieuses pour l’ensemble des professionnels comme pour les tutelles. Elles documentent des points d’étapes et montrent à quel point ces questions de développement durables sont l’occasion d’interroger des pratiques.
Les différentes formations et conférences sur ces sujets montrent qu’il ne s’agit pas temps d’alléger les traitements que de les adapter aux évolutions de l’imprimerie et de l’édition pour proposer des consolidations qui ne se résument pas à de la plastification.
Les retours des équipes montrent que le meilleur moyen de faire évoluer les pratiques est bien de revenir à un catalogue de possibilités de traitement avec des matériaux plus durables comme la colle et la couture ou la protection de certaines parties des documents comme les coiffes ou les coins. Cette enquête permet un premier état des lieux qui permet d’engager une réflexion sur nos choix de consolidations, l’objectif étant de les diversifier et de les adapter à une politique globale de l’établissement sur toutes étapes des circuits des documents, de la veille au réemploi des collections.
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Un grand merci à Rennes 2 pour cette enquête éclairante, qui témoigne des réflexions en cours sur nos pratiques d’équipement. Nous vous invitons à retrouver nos autres contenus sur la gestion matérielle des collections à ce lien. Et vous, avez-vous fait des expérimentations en ce sens ? Vos retours d’expérience sont les bienvenus !
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