La Commission Bibliothèques Vertes ABF donne aujourd’hui la parole à l’association pour l’Ecologie du livre, avec laquelle elle partage un certain nombre d’objectifs relatifs aux enjeux environnementaux au sein de la filière livre et lecture, traités par cette structure selon une approche fondamentalement interprofessionnelle. Le présent article constitue aussi, plus largement, l’occasion de parler de collections selon un angle écologie, à travers la question spécifique du livre, aujourd’hui et demain, sur le plan environnemental : en quoi le livre est-il ou peut-il être (plus) écologique ? et comment l’interprofession peut agir dans ce sens, opérer des transformations vertueuses ?
C’en est fini de l’introduction, place à l’entretien ! Un grand merci à Mélanie Mazan, qui s’est prêtée au jeu de présenter ici la genèse, les principes et les actions de l’association pour l’Ecologie du livre :
La genèse de l’association pour l’Ecologie du livre
L’association pour l’Écologie du Livre est née d’une rencontre, en 2019, d’une libraire et d’un auteur & éditeur, tous deux militants et engagés dans l’écriture, la production, la vente et le partage de livres traitant d’écologie politique.
La rencontre s’est produite au croisement de deux questions partagées :
- Créer, fabriquer, éditer, vendre, partager les livres selon des modalités ET sur des thématiques relevant de l’écologie : comment faire coïncider « le fond » avec « la forme » ? Ou, autrement dit, comment s’assurer que le contenu d’un livre défendant les idées de l’écologie soit produit, distribué, vendu et partagé de manière toute aussi écologique pour assurer une cohérence d’ensemble ?
- L’écosystème du livre face aux crises écologiques, économiques et sociales : comment adapter les pratiques professionnelles et interprofessionnelles aux enjeux auxquels le monde du livre fait face, et comment prévenir et/ou se préparer au contexte à venir ? Ou, autrement dit, comment transformer la filière du livre pour répondre aux impératifs écologiques et sociaux du XXIe siècle ?
Ces deux personnes n’étaient, bien sûr, pas les seules à se questionner sur le sujet, et ont rapidement agrégé de nombreux et nombreuses autres professionnelles du livre au sein du collectif.
Trois ans plus tard, l’association compte environ 300 sympathisants et sympathisantes, une centaine d’adhérents et d’adhérentes, et une soixantaine de membres actifs de tous les métiers du livre et de la lecture (création, édition, fabrication, diffusion/distribution, librairie, bibliothèque, formation, recherche, réseaux professionnels et interprofessionnels) et de toute la francophonie.
Les trois écologies du livre
L’association pour l’Écologie du Livre défend une approche globale de l’écologie, qu’elle applique aux mondes du livre et de la lecture. Son discours et son action s’appuient sur trois piliers interdépendants, inspirés des trois écologies de Félix Guattari (GUATTARI Félix, Les trois écologies, 1989, ed. Galilée) : l’écologie matérielle, l’écologie sociale et l’écologie symbolique.
L’écologie matérielle : enjeux d’éco-responsabilité
Il s’agit probablement de la porte d’entrée la plus courante quand on s’intéresse aux problématiques écologiques, l’enjeu d’éco-responsabilité est la partie émergée de l’iceberg, celle que l’on voit au quotidien dans son métier : les choix de matières premières, matériaux et de process de fabrication, les déchets, la logistique, le bâti et les consommations énergétiques, les pratiques quotidiennes des employé-es, etc.
Ces enjeux étant peut-être le plus gros « morceau » de l’écologie du livre, il apparaît cependant rapidement qu’en tirant le fil d’un problème « matériel », on arrive vite sur des problématiques beaucoup plus larges qui touchent aux enjeux socio-économiques de la filière.
L’écologie sociale : enjeux de coopérations/interdépendances socio-économiques
Pas d’écologie du livre sans questionner l’économie du livre, donc, ou plus largement, les coopérations et les interdépendances entre les différents acteurs de l’écosystème.
Par exemple, comment questionner les choix de matières premières (papier notamment) sans creuser la question des flux logistiques et des enjeux de relocalisation de l’industrie papetière et d’impression graphique ? Comment réduire le tonnage de livre pilonnés/détruits en « bout de chaîne » sans requestionner le système complet de commercialisation du livre neuf et les interdépendances éditeur/diffuseur-distributeur/libraire ? Comment défendre le développement du marché du livre d’occasion sans retravailler la question du droit d’auteur ?
L’écologie du livre, ce sont aussi toutes ces questions liées au fonctionnement global de la filière du livre, auxquelles on ne peut par ailleurs répondre qu’en prenant en compte l’interdépendance totale entre les différents actrices et acteurs de cette filière.
L’écologie symbolique : enjeux de bibliodiversité
Au cœur des métiers du livre et de la lecture se trouve toujours et depuis toujours la défense de la bibliodiversité, c’est-à-dire la diversité culturelle appliquée au livre, bien qu’elle ne soit définie comme que depuis récemment (HAWTHORNE Susan, Bibliodiversité : manifeste pour une édition indépendante, ed. Charles Leopold Mayer, 2016).
A notre sens, comme partout sur la planète, où la biodiversité fait la bonne santé des écosystèmes, la bibliodiversité fait la bonne santé de l’humanité.
C’est pourquoi l’association pour l’Ecologie du livre, dans le respect de son héritage en écologie politique, défend, la nécessité absolue, étroitement articulée aux enjeux matériels et sociaux, de maintenir et de développer la plus grande diversité possible dans la production et la diffusion de livres : diversité géographique, diversité politique (notamment concernant les minorités), diversité économique (notamment la défense de l’édition indépendante et d’un maillage territorial fort de la production et de la diffusion).
Les actions de l’association pour l’Ecologie du livre
En s’appuyant sur ces trois piliers (social, matériel et symbolique), l’association pour l’Écologie du Livre mène de nombreuses actions en France métropolitaine et plus largement dans toute la francophonie, qui s’inscrit toujours dans une approche interprofessionnelle du sujet.
Ces actions rencontrent les grands objectifs suivants :
- Le développement d’un réseau d’acteurs et d’actrices engagé-es dans une démarche écologique, à l’échelle nationale et régionale
- La production et le partage de ressources communes sur l’écologie du livre
- La sensibilisation et la formation de l’interprofession et du grand public aux enjeux d’écologie du livre
- La défense des idées de l’écologie du livre auprès des organisations professionnelles, institutions publiques et parapubliques du livre et de la lecture
- Le développement de projets d’expérimentation en lien avec l’écologie du livre dans les territoires
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La Commission Bibliothèques Vertes remercie à nouveau vivement l’association pour l’Ecologie du livre d’avoir répondu à son invitation pour cet entretien qui, nous l’espérons, contribuera à vous outiller sur les questions évolutives relatives à l’écologie du livre et de la lecture.
Nous vous invitons à consulter le site web de l’association pour l’Ecologie du livre : https://ecologiedulivre.org, qui comprend notamment une rubrique Ressources, parmi lesquelles l’ouvrage dont vous trouverez le visuel de couverture reproduit ci-dessous si vous souhaitez approfondir le sujet. Bonnes découvertes et explorations !
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