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CD et DVD : que faire pour plus d’écoresponsabilité ?

En cette période de rentrée, la commission Bibliothèques Vertes ABF vous propose un billet, rédigé par Sophie Bobet, consacré aux disques compacts & aux enjeux posés par ce type de supports documentaires en matière d’éco-responsabilité.

Quel est l’impact environnemental d’un CD, d’un DVD, versus l’impact environnemental de la musique en ligne ? Est-il encore utile aujourd’hui de conserver des fonds de CD-DVD en bibliothèques, comment gérer ces collections avec des critères d’éco-responsabilité, y compris dans les opérations de retraits de rayonnage et si possible d’organisation d’une seconde vie pour les supports matériels de musique que sont les disques compacts ? Autant de questions sur lesquelles le présent billet apporte des éclairages scientifiques et concrets :

Disque compact : quelle physiologie ? quel impact ?

Présentons tout d’abord des données sur l’impact environnemental des disques compacts :

Vincent Lostanlen, chargé de chargé de recherche au CNRS, affilié au Laboratoire des sciences du numérique de Nantes (LS2N) et chercheur invité au Music and Audio Research Laboratory de l’université de New York explique dans son étude, Musique et données. De la recherche aux usages (2023) :

« D’après l’ADEME, la France ne prévoit pas de filière de valorisation des déchets en polycarbonate : « Déposés en déchetterie ou jetés à la poubelle, les CD et DVD suivent l’une des filières d’élimination des ordures ménagères : ils sont incinérés (avec le plus souvent récupération de chaleur pour produire de l’énergie) ou enfouis en installation de stockage de déchets. La durée de dégradation de la résine polycarbonate est de l’ordre d’un million d’années, et l’Agence européenne pour l’environnement classe désormais le BPA comme une « substance extrêmement préoccupante » pour la santé animale et humaine. Le risque de dispersion du BPA dans la biosphère est donc réel et, en attendant un remède biotechnologique à l’écotoxicité du polycarbonate, nous devons méditer sur l’avenir des disques compacts qui prennent la poussière sur nos étagères. D’après une estimation de 2007, il y en aurait deux cents milliards, tous usages confondus ».

Les chiffres sont préoccupants, loin des conclusions publiées en 2011 par Greenit, qui présentait alors le disque compact comme « un thermoplastique noble, très résistant et surtout recyclable. Quant au boîtier, il est totalement recyclable. La couche de polycarbonate est transformée en granules qui deviendront des cartes plastiques, des bijoux, des lampes… Broyés, les boîtiers sont transformés en granulés de polystyrène puis convertis en nouveaux boitiers ou en badges » [extrait de https://www.greenit.fr/2011/05/05/paris-teste-le-recyclage-des-cd-et-dvd/].

Versus musique numérique ?

Citant le musicologue Kyle Devine, dans Decomposed. The Political Ecology of Music, Vincent Lostanlen, analyse le « système technique qui stocke et achemine les paquets Internet ». Selon lui, il s’agit bel et bien d’un « support physique » pour la diffusion en flux ; seulement, il est quasi invisible pour l’utilisateur final. D’après Devine, la confusion entre numérique et immatériel relève du piège rhétorique (rhetorical trap) car elle sert à masquer le fait que l’industrie du streaming est complice de dégâts environnementaux et sociaux multiples, ayant trait aux ressources matérielles, au travail humain, à l’énergie, et à la pollution. Leurs études sont des ressources précieuses pour comprendre les nouveaux enjeux et éclairer nos choix en matière de politique documentaire.

Ainsi selon le site internet Mtaterre, « regarder un film sur DVD a un impact qui s’amoindrit à mesure des visionnages :

  • Un visionnage de 2 heures, c’est 389 g de CO2eq par heure
  • Un visionnage de 8 heures, c’est 128 g de CO2eq par heure

Si vous achetez un DVD, il vaut ainsi mieux être sûr d’avoir envie de regarder et de re-regarder sans vous lasser. Sinon, vous pouvez aussi le donner ou le revendre pour qu’il serve à d’autres. Pour mesurer les impacts du visionnage d’un film en ligne, les équipements utilisés (TV + box TV, ordinateur, smartphone) comptent beaucoup : ils représentent 65 % (38 % pour le smartphone) de l’impact global sur le changement climatique. L’échange de données, nécessitant le fonctionnement de réseaux et de datacenters, pèse également lourd. » [Musique et films en streaming ou en CD / DVD : c’est quoi le plus écologique ? – MtaTerre]

Pour approfondir cette question, l’ADEME a mené une étude de fond sur l’impact de la digitalisation des services culturels, disponible en ligne : https://presse.ademe.fr/2022/11/streaming-vs-cd-ou-dvd-liseuse-vs-livre-papier-quels-sont-les-impacts-environnementaux-de-la-digitalisation-des-services-culturels.html.  On retiendra surtout de cette étude les enseignements suivants : « De manière générale, les services culturels numériques peuvent amener à avoir besoin de davantage d’équipements que pour les services physiques. Cela a pu se vérifier pour l’écoute de musique en streaming ou le jeu vidéo. Ainsi, la numérisation des services culturels peut amener à un suréquipement, et donc à des usages plus gourmands en équipements utilisateurs ». En atteste l’empreinte carbone globale liée au visionnage de DVD et de vidéos en ligne en France, qui a triplé entre 2012 et 2020 (effets du COVID) :

Parmi les recommandations à destination des décideurs politiques, l’ADEME suggère 3 axes principaux :

  • Axe 1 – Connaître pour agir : Développer la connaissance de l’empreinte environnementale du numérique
  • Axe 2 – Soutenir un numérique plus sobre : réduire l’empreinte environnementale du numérique
  • Axe 3 – Innover : Faire du numérique un levier de transition écologique et solidaire, et mutualiser, quel que soit le support [ce qui correspond aux missions des bibliothèques].

Recycler, oui, mais comment ?

Les bibliothécaires qui désherbent des collections CD/DVD dans leurs établissements se posent naturellement la question de leur recyclage. Si une seconde vie est possible pour les CD, en revanche, en raison des droits qui leur sont attachés, tel n’est pas le cas pour les DVD.

Mais déjà : comment recycler, en bibliothèque, des collections CD désherbées ? Sur le site internet Ecologie sans frontière, il est rappelé que les CD ne doivent pas être jetés dans la poubelle jaune du fait de leurs composants. Les méthodes de recyclage peuvent être de plusieurs types :

extrait de : Peut-on recycler des CD dans la poubelle jaune ? (ecologiesansfrontiere.fr)

Cependant, ce qui vaut pour un particulier ne convient pas pour une institution, confrontée à la question des volumes traités, sans compter son devoir d’exemplarité.

L’absence de filière nationale de recyclage est un problème conséquent, qui voit naître des initiatives singulières depuis TerraCycle, le partenariat avec des ressourceries (des points de collecte sont répertoriés sur ressourceries.info) ou autres associations (voir à ce sujet les contenus publiés à ce lien Collecte de CD et DVD – FranceEnvironnement).

Parfois des solutions régionales sont trouvées. Ainsi, « l’association « Cdmoi », située à Mexy, en Meurthe-et-Moselle, s’est donnée pour fonctions de récolter et de revendre les CD/DVD à des entreprises de recyclage dans un but d’aide sociale. Elle met donc à disposition des grandes infrastructures du territoire (administrations, universités) des kits de collectes. L’association est liée à plus de onze partenaires opérationnels dans les villes de Nancy, Metz et Longwy et cinq partenaires financiers et communique sur le fait que plus de 45 tonnes de CD/DVD ont ainsi été récupérés et valorisés depuis juin 2005. 

D’autres initiatives, plus marginales, invitent les propriétaires à stocker les CD en attendant qu’une solution pérenne soit trouvée (https://24pm.fr/maison-ecologique/ordinateurs/188-recycler-des-cddvd-avec-1-million-de-dvd-pour-la-planetenet).

Le sujet reste ainsi pleinement encore à explorer pour qu’une solution pérenne soit trouvée, ce qui ne devrait pas tarder dans la mesure où l’Assemblée nationale s’était enfin emparée de cette question avant sa dissolution à travers la question n°13024 : Collecte et le traitement des cassettes VHS, CD, DVD et Blu-ray usagés – Assemblée nationale.

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Nous espérons que ce billet vous aura été utile et nous sommes preneurs de vos retours d’expériences, en commentaires ou par mail à bibliotheques.vertes[arobase]abf.asso.fr, sur les démarches éventuelles entreprises dans vos établissements pour prendre en compte les enjeux d’éco-responsabilités en matière d’offre documentaire de type image et son.

Une réponse à “CD et DVD : que faire pour plus d’écoresponsabilité ?”

  1. Avatar de Aude Galtié
    Aude Galtié

    La société de Mexy n’existe plus (nous avons tenté de les contacter il y a déjà quelques temps et il n’y a plus personne qui répond) :-).

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