Projets éco-structurants à la médiathèque départementale Puy-de-Dôme

Présentation de l’établissement et du contexte

La Médiathèque départementale du Puy-de-Dôme (MD63) dessert 240 bibliothèques implantées dans un territoire de 650 000 habitants (dont 300 000 dans la métropole clermontoise). L’équipe est composée de 32 agents, assurant les missions des médiathèques départementales, de plus en plus diversifiées et récemment redéfinies par la loi Robert. 

L’engagement dans une démarche de transition écologique remonte aux années 2018-2019, dans le cadre d’une politique départementale volontariste : réalisation du « Master Plan pour un Département en transition » (finalisé en 2021, et précédé dès 2020 par le lancement du premier budget participatif sur le thème de la transition écologique, le « Budget écologique citoyen »). La MD63 est notamment positionnée dans l’un des « objectifs universels » du Master Plan (« Favoriser la solidarité et les services essentiels ») au titre du développement de l’itinérance des services publics. 

C’est dans ce contexte que l’équipe s’approprie, via la documentation de l’ADEME (« Ecoresponsable au bureau ») ou via le guide plus spécifique de la médiathèque Canopée, une démarche globale d’exemplarité et de réduction des impacts écologiques au travail (mobilité douce, déchets, numérique…). La MD63 est ainsi l’un des premiers services dotés de VAE (vélos à assistance électrique) parmi ses véhicules de service, en les dédiant plus particulièrement aux déplacements dans la zone urbaine de Clermont-Ferrand. 

La rénovation écologique du bâtiment 

Conçu au temps des BCP (Bibliothèques centrales de prêt), le bâtiment de la MD63, situé dans l’un des quartiers Nord de Clermont-Ferrand, est en cours de rénovation depuis fin 2023, afin d’en transformer l’orientation fonctionnelle et les usages (moins d’espaces de stockage ou de transit des collections, davantage d’espaces d’accueil des partenaires, de formation et de valorisation des ressources), mais aussi pour améliorer une résilience thermique initialement très mauvaise (renouvellement de l’ensemble des menuiseries, ajout d’isolations dont un parement extérieur, végétalisation…). L’insertion de la transition écologique dans le projet, souhaitée par l’équipe, s’est parfois confrontée à des questions pragmatiques ou réglementaires, comme dans le cas de la récupération d’eau de pluie (garanties à apporter pour l’usage de ces eaux dans les sanitaires : contrôles réguliers, stricte distinction vis-à-vis du réseau d’eau potable). Cela conduit aussi au renoncement à de « fausses bonnes idées » (abandon d’un projet de ruches urbaines, non seulement pour la charge de gestion qu’elles représenteraient, mais aussi après échanges avec les services environnementaux du département qui ont signalé un fort risque de concurrence avec d’autres pollinisateurs), parfois au profit de solutions plus simples (par exemple, partenariat avec la LPO pour l’accueil des oiseaux autour du site). 

Vue en perspective du futur bâtiment de la MD63 après extension et rénovation
(crédits :
Basalt Architecture)

Des actions structurantes en matière d’équipement et de cycle de vie du document

Quant à plusieurs des cœurs d’activités métiers, c’est brique après brique que la sobriété y a été introduite, et c’est un réseau de collaborations de plus en plus dense qui a permis, au fil du temps, d’entraîner une part croissante des documents acquis par la MD63 dans un cycle de vie plus vertueux. 

L’évolution des modalités de plastification des livres a été abordée comme un enjeu à la fois écologique et social. La plastification sur les ouvrages à couvertures rigides, n’apportant qu’une faible plus-value, a été abandonnée à hauteur de plusieurs centaines d’unités chaque année (bandes dessinées, certains documentaires adultes, fonds professionnel). Les besoins de plastification demeurants ont été confiés à une entreprise à but d’emploi située dans un quartier politique de la ville (Insercoop, qui a ainsi recruté 2 salariés en CDI à cet effet ayant traité environ 7200 documents en 2024), cette externalisation venant aussi marquer une redéfinition de missions dans les équipes. 

La MD63 s’est aussi engagée progressivement (à partir de 2015) dans une démarche de valorisation du pilon et des dons. Une délibération de mai 2024, portant sur l’élimination et les dons de documents dans le cadre de l’actualisation des collections, a permis d’en identifier les principaux bénéficiaires, en s’adressant (par ordre de priorité) : aux services du Conseil départemental intervenant dans le champ social et médicosocial et les EHPAD, ESAT, MECS (documents large vision ou FALC par exemple), aux établissements ou structures prenant en charge des publics « empêchés » (hôpitaux, établissements pénitentiaires…), ou œuvrant dans le champ éducatif/culturel. Dans des cas bien spécifiques, d’autres structures publiques peuvent être récipiendaires, comme des musées ou établissements d’enseignements (beaux livres), ou des bibliothèques du réseau départemental (besoins de type « fonds locaux »). Une charte des dons indiquant les engagements est établie par la Médiathèque et doit être approuvée par chaque bénéficiaire. 

Extrait du magazine « Puy-de-Dôme en Mouvement » n°173 (2017), consacré au
programme de seconde vie des documents mis en place par la MD63 dès 2015

En complément, depuis 2019, une convention ciblant les ouvrages de fiction a été signée avec Recyc’livre : pour le Puy-de-Dôme, 10% des revenus des ventes de documents cédés sont ainsi reversés à l’association Les trois petits Nopons à Clermont-Ferrand, qui a pour but de favoriser le réemploi de livres et de jeux en fin de vie, notamment en organisant des « bibliothèques de rues » qui participent à une œuvre commune d’élargissement de l’accès à la culture. Ces dispositions ont permis de traiter plus de 65000 dons sur la période 2016-2023, en contribuant à renforcer des habitudes de travail en transversalité et des liens quotidiens entre la Médiathèque et d’autres services départementaux (PMI, placement familial, Maisons des solidarités, Archives départementales…). 

Quant aux documents définitivement pilonnés (livres, CD ou supports d’animation dont l’état physique, l’intérêt et la pertinence des contenus ne permettent pas d’envisager une seconde vie), c’est Insercoop qui en assure la valorisation, en réalisant le tri selon le type de matières (plastique, reliure, papier blanc ou coloré, puces RFID, code-barres…) comme en témoigne le graphique ci-dessous (répartition entre carton, journaux-magazines-revues, papier, et déchets finaux) : 

Extrait du rapport de bilan 2024 du partenariat entre la MD63 et Inserfac-EBE 
(équipement, pilon et revente de livres et CD)

A noter, la tendance est à la diminution des volumes de pilon, la seconde vie prenant une part croissante, d’autant plus depuis qu’une plateforme de revente en ligne a été mise en place en 2023, via le site Label Emmaüs. Le volume actuellement proposé sur la plateforme est de l’ordre de 2000 ouvrages, tandis qu’environ 200 ventes ont été réalisées durant le premier semestre d’existence du site. En parallèle, des ventes physiques et directes continuent d’être organisées dans divers sites clermontois (braderie solidaire organisée par Inserfac, ventes spéciales en crèches et maisons de l’enfance…). 

Sur l’ensemble de la chaîne de traitement du document, c’est l’étape d’achat, moins favorable à dégager des marges de manœuvre propres, qui s’est vue le plus récemment investie par l’enjeu de transition écologique : les derniers renouvellements de marchés publics d’acquisitions documentaires ayant suivi certaines recommandations (juin 2024) du Ministère de la Culture pour la prise en compte des critères de performance environnementale (diminution des emballages, décarbonation des véhicules).

Mutualisation d’infrastructures : dessertes documentaires et SIGB 

Par souci d’économiser aussi bien les ressources matérielles et budgétaires que les temps de travail, les navettes documentaires de la MD63 et de six réseaux intercommunaux de lecture publique ont été mutualisées à partir de 2021. Six véhicules de la Médiathèque départementale desservent ainsi 56 points relais chaque semaine, permettant d’éviter environ la moitié des navettes intercommunales qui avaient précédemment lieu (il n’est en effet pas possible de prendre en charge l’intégralité des besoins de circulation). Cette organisation permet d’une part de soutenir le développement du réseau intercommunal de lecture publique de ce territoire, et d’autre part de valoriser le savoir-faire et les compétences de l’équipe de la Médiathèque départementale en matière de logistique. Chaque chauffeur a pu travailler sur l’agencement interne de son véhicule avec le menuisier, en déclinant parfois différemment les mêmes équipements ou principes ergonomiques. 

La MD63 a par ailleurs pris en charge la (ré-)informatisation de six réseaux intercommunaux, dans le cadre du projet de plateforme de services « Médiadôme », labellisé BNR et BNR 2 (Bibliothèques numériques de référence) en 2017 et en 2023. Le projet s’inscrit dans la perspective du programme Transition bibliographique, par l’attention portée à la fois à la qualité et l’exposition des données départementales, et à l’optimisation des services et de la découverte en ligne. La MD63 assure la gestion et la maintenance des instances du SIGB et de chaque portail, ce qui facilite le travail de formation et d’assistance, et le partage des (bonnes) pratiques ; et en évitant la redondance ou la démultiplication d’infrastructures, l’offre Médiadôme fait également œuvre de sobriété numérique. La mise en production des premiers portails issus de cette mutualisation a commencé en 2019 (exemple) ; le dispositif BNR2 a permis de développer une nouvelle version de portail et d’en commencer la mise en production fin 2024 (exemple), en mettant particulièrement l’accent sur leur écoconception (ergonomie des sites, limitation des vidéos et des scrolls…). A ce titre, les webmestres et contributeurs de chaque réseau membre intégré à Médiadôme ont bénéficié d’une formation mettant particulièrement l’accent sur la sobriété éditoriale, rencontrant en cela la problématique d’accessibilité (exigence de limiter le poids, la longueur, la complexité et la diversité des contenus publiés). 

Ces deux projets de mutualisation pourraient à terme se rejoindre, dans l’hypothèse d’un fonds départemental unifié et tournant. 

Et pour conclure…

Pour conclure sur ce panorama puydômois articulant transition écologique, responsabilité sociétale et innovations métier, Christophe Torresan partage une lecture marquante en la matière : la bande dessinée à succès « Le monde sans fin », source de réflexions sur la problématique globale de nos dépendances énergétiques. 

A travers cette série d’actions concrètes menées par la MD63, depuis une décennie parfois, retenons entre autres conseils et points inspirants :

  • l’importance des approches concrètes, partenariales et adaptatives, construite par essais et briques successives, 
  • l’importance d’une implication directe des équipes dans la construction et l’appropriation des projets et de leur sens général,
  • le renforcement mutuel que partenariats locaux et objectifs sociaux peuvent apporter au bénéfice de la transition écologique,
  • le souci de la cohérence et de la subsidiarité territoriales, 
  • la construction et l’extension d’outils de mesure des impacts pour faciliter le dialogue avec les décideurs et sa continuité. 

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