Exemple de service vert #5 : fringothèques & vide-dressing

La Commission Bibliothèques Vertes ABF poursuit son tour d’horizon des services verts que l’on peut proposer en bibliothèques de lecture publique comme en bibliothèques universitaires, à travers le présent billet écrit à plusieurs mains (Maryon Le Nagard, Sophie Bobet et Julie Curien) et d’après des entretiens avec les bibliothèques suivantes : en novembre 2018, la bibliothèque Persépolis de Saint-Ouen a lancé sa « fringothèque », tout comme la bibliothèque de la Canopée à Paris en janvier dernier ; la BU Sciences de Lyon 1 propose des actions de type « vide-dressing » depuis novembre 2022.

Aller à la bibliothèque pour y trouver des vêtements ? C’est une idée qui peut, d’un premier abord, sembler farfelue et décalée. A Saint-Ouen, on explique : « Ça n’a pas fonctionné tout de suite. Il a fallu défendre auprès de nos partenaires l’idée qu’une fringothèque a toute sa place en bibliothèque, expliquer que cela s’inscrit dans une démarche globale ». Un retour similaire est fait à la BU Sciences de Lyon 1 : « Du côté des bibliothécaires, si une partie de l’équipe s’est tout de suite montrée très motivée, d’autres collègues ont exprimé davantage de réticence et s’interrogent sur le rôle de la bibliothèque. C’est l’occasion de réfléchir collectivement sur le métier ! »

Ces trois bibliothèques qui ont accepté de nous faire un retour d’expérience (un grand merci à elles trois !) sont d’accord : ce type de service répond à plusieurs de nos missions. Nous vous proposons de découvrir ci-dessous les objectifs poursuivis, comment le service a pu être mis en place et quels sont les retours et pistes éventuelles d’évolution.

Objectifs poursuivis

A la bibliothèque Persépolis (Saint Ouen), on met en avant la participation des publics : les usagers deviennent acteurs, ils s’approprient ainsi la bibliothèque, qui en devient leur bibliothèque. Mais un service de ce type est aussi et avant tout un service solidaire. A la Canopée (Paris), l’équipe avait constaté que certains usagers venaient avec des vêtements abîmés, et a pensé cette offre comme une démarche solidaire, tout comme l’équipe de la BU Sciences de Lyon 1, pour qui « la mise en place d’un vide-dressing s’est imposée assez naturellement, pour répondre à la fois à une problématique environnementale de réduction des déchets par le réemploi, et à une problématique sociale. La précarité étudiante augmente en effet de manière rapide et devient un sujet central dans les universités, depuis sa mise en lumière au moment du premier confinement ».

Mise en place du service

Les deux bibliothèques municipales avec lesquelles nous nous sommes entretenues ont fait le choix de mettre en place un service permanent, qui a été lancé en novembre 2018 à Saint Ouen et en janvier 2023 à Paris. La BU Sciences de Lyon 1 a quant à elle organisé un événement ponctuel sur 2 jours, à deux reprises : la première fois, en novembre 2022, dans le cadre de la Semaine Étudiante de Réduction des Déchets qui s’est déroulée du 19 au 27 novembre et qui avait pour thème le textile, puis en mai 2023.

La collecte des vêtements, comment se passe-t-elle ? Un appel aux dons à été lancé dans les trois bibliothèques, auprès des équipes comme des publics. Les bibliothécaires ont réceptionné et trié les dons avant le lancement du service – à la bibliothèque municipale de Saint-Ouen, les sous-vêtements ne sont pas proposés à la fringothèque par exemple. Pour compléter les dons réceptionnés à la bibliothèque (environ 400 pièces) pendant 2 semaines par une équipe de 12 bibliothécaires volontaires, la BU Sciences de Lyon 1 a établi un partenariat avec le Secours Populaire qui a fourni « 200 vêtements complémentaires (dont des manteaux chauds, très appréciés des étudiants) » et à qui la BU a ensuite remis les pièces qui n’avaient pas trouvé preneur pour que celles-ci soient à nouveau proposées dans un nouveau circuit de don.

Comment mettre en valeur les vêtements à donner ? A Saint-Ouen, une armoire a été fabriquée par les usagers avec l’aide d’une association, spécialement pour ce service. A la Canopée, la démarche a été similaire : la Mairie Centre a fourni un portant, un meuble a été récupéré puis décoré par les étudiantes en art. Enfin, à la BU Sciences Lyon 1, le Secours Populaire a prêté des portants pour la durée de l’événement. L’équipe explique : « les jours du vide-dressing, un espace dédié (le Learning Lab de la BU Sciences) a été investi pour y installer tables, portants, cabines d’essayage… Il était également important pour l’équipe de proposer un vide dressing mixte, les vêtements étaient donc rangés par type et par taille mais pas par genre » ; « pour assurer la communication de cet événement, le titre « ça t’ira mieux qu’à moi » a été retenu, et diffusé sur différents supports (réseaux sociaux, affichettes, lettre d’info de la BU…)« .

Rendre service et au-delà… L’événement organisé sur deux jours à la BU est accompagné d’animations DIY (Do It Yourself) destinées à sensibiliser aux enjeux de développement durable. A la Canopée, l’espace dédié à la fringothèque est modulable en fonction des besoins et baptisé ZAD : zone à dressing dans le cadre de ce service, mais plus généralement zone à dons, zone à DIY, zone à débat… Dans l’équipe, on explique : « Nous souhaitions que cet espace soit un lieu de partage, de solidarité, de vivre ensemble ou encore d’activités créatives. »

Modalités : dans ces trois bibliothèques, l’utilisation du service est simple : chacun est libre de prendre, et/ou de déposer. A Saint-Ouen, chacun peut repartir avec un maximum de 3 vêtements par visite. Des costumes sont prêtés pour une durée de 3 semaines, pour être utilisés dans le cadre d’un entretien d’embauche par exemple, perspective en cours de réflexion également à la bibliothèque de la Canopée.

Bilan et perspectives

Les deux bibliothèques municipales proposant ce service de manière permanente font état de retours d’expériences positifs sur le plan qualitatif, à ce stade non mesurés par des éléments statistiques permettant d’évaluer la fréquentation du service sur le plan quantitatif.

La BU Sciences de Lyon 1 nous rapporte que lors de la première édition de leur vide-dressing, 485 étudiants sont venus et que 450 vêtements ont été choisis. L’enthousiasme des étudiants s’est exprimé à l’oral : « ils ont demandé que l’événement soit reconduit, et élargi si possible (en particulier à des dons de produits alimentaires ou d’hygiène) » ; et par écrit, dans un cahier laissé à disposition des étudiants. En réponse aux demandes exprimées, une seconde édition a été mise en place en mai 2023. Quelques petits changements ont été apportés : une communication plus axée sur la gratuité du service (ce qui n’avait pas été compris par tout le monde la première fois), et un emplacement plus visible, en plein hall, lieu de passage, ainsi qu’un élargissement de l’offre « au don de plantes et de petit matériel de papeterie ». Cette fois, ce sont 745 étudiants qui sont venus !

Vide-dressing Lyon 1

Nous terminerons ainsi cet article avec quelques mots laissés par les étudiants de la BU, qui illustreront parfaitement le succès rencontré par une telle manifestation.

« Really you are awesome angels. I love your help and way of how you treat students »
« Initiative de malade, à refaire et à partager ! Vraiment une très belle initiative et puis quesque (sic) c’est plaisant d’être accueilli par un personnel souriant. Merci et bravo <3  » 
«  Très bonne initiative ! Et ranger les vêtements non par genre mais par taille et forme, c’est parfait ! »
« C’est vraiment une bonne occasion de réduire l’utilisation de la mode et d’aider l’environnement <3 » 

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