La commission Bibliothèques Vertes de l’Association des Bibliothécaires de France (ABF) vous propose aujourd’hui un billet éclairant les enjeux d’écoresponsabilité dans l’organisation d’événements et manifestations, qui rejoint potentiellement le volet d’activité relatif à l’action culturelle en bibliothèque.
Dans le présent billet rédigé par Geneviève Erb, membre de la commission et investie dans l’organisation des Rencontres Internationales de l’Ecologie pour le Livre en avril 2025, nous avons le plaisir de partager avec vous son retour d’expérience sur la démarche d’écolabellisation de la manifestation, riche en enseignements sur les points à considérer pour ancrer l’organisation d’un événement dans une approche fondée sur l’écoresponsabilité.
Présentation du cadre de l’événement
En avril 2024, Strasbourg a accueilli les Rencontres Internationales de l’Ecologie pour le Livre (RIEL). Cette initiative est venue clôturer une année riche en événements, durant laquelle Strasbourg a porté fièrement le label de 24e Capitale Mondiale du Livre UNESCO . Dès les premières réflexions autour de la programmation, les élus, les organisateurs, les partenaires et le comité scientifique ont voulu inscrire les RIEL dans une démarche cohérente avec la thématique et en faire un évènement exemplaire en matière d’écoresponsabilité .
Les Rencontres internationales de l’Écologie pour le livre ont marqué un temps fort du programme Lire pour la planète, mettant en lumière les liens entre écologie et chaîne du livre. Cet événement a contribué à la singularité du projet strasbourgeois dans le cadre de la candidature de la ville au label de Capitale mondiale du Livre. Organisées les 15 et 16 avril 2025 à l’Université de Strasbourg, ces journées — gratuites et accessibles à tous — ont proposé une programmation riche, conçue par un comité scientifique rassemblant des experts, tant en France qu’à l’international : pas moins de 13 tables rondes et plus de 40 intervenants ont animé ces deux jours d’échanges et de réflexion. Nous nous en faisions le relai à l’époque dans notre billet Rencontres internationales de l’écologie pour le livre – ABF Bibliothèques Vertes.
Ces rencontres ont analysé les grands enjeux écologiques liés au livre, de la fabrication à la fin de vie du papier, en passant par les alternatives comme le marché de l’occasion ou le don de livres. Les échanges ont aussi mis en lumière le rôle actif des lecteurs et lectrices dans la transition écologique, ainsi que l’évolution des pratiques de lecture — entre supports papier et numérique — et leurs impacts environnementaux.
Si ces rencontres étaient accessibles au grand public, elles ont également mobilisé un réseau d’experts et d’acteurs clés. Plus d’un millier d’invitations nominatives ont été adressées à des professionnels et personnalités directement impliqués : spécialistes des enjeux écologiques du livre, représentants des 23 anciennes Capitales mondiales du Livre aux 4 coins de la planète, parrains et marraines de l’édition 2024, etc.
Les rencontres se sont tenues sur le campus central de Strasbourg, un site facilement accessible en tram, bus ou à vélo. L’Université a mis à disposition un amphithéâtre de 500 places pour les conférences, tandis que l’aula abritait un espace de pause convivial et le Forum des partenaires, tous engagés dans la transition écologique du livre.
Démarche d’écolabellisation : structure et étapes clés
Rapidement, il a été décidé de procéder, à titre d’exemplarité et par souci d’un impact le plus faible possible sur le plan environnemental, à une écolabellisation de la manifestation.
Recours à une association spécialisée, implantée sur le territoire
Pour accompagner les porteurs du projet dans son ambition d’écoresponsabilité, le choix s’est tourné vers Eco Manifestation d’Alsace (EMA), association implantée depuis 2011 en Alsace centrale et en pleine expansion : elle s’étend désormais aux territoires lorrains et champardennais voisins grâce au projet Eco-Manifestations Réseau Grand Est (EMeRGE). Spécialisée dans la valeur écologique des événements, Eco Manifestation d’Alsace guide les organisateurs — qu’ils soient porteurs de manifestations populaires (37 % en 2024), culturelles (28 %), professionnelles (20 %) ou sportives (14 %) — ainsi que les lieux accueillant du public (salles de spectacle, équipements sportifs, centres socioculturels…). Son approche, menant à décerner des labels écoresponsables, repose sur des conseils sur mesure et une charte d’engagement, permettant à chaque structure d’intégrer progressivement des pratiques durables. Les tarifs proposés par EMA sont calculés en fonction de l’enveloppe de l’événement et exonérés de TVA.
Label décliné en niveaux pour valoriser les stades d’engagement
Le label éco-responsable décerné par EMA se décline en trois niveaux selon la valeur des actions mises en œuvre. En 2024, sur 93 événements labellisés, 30 ont obtenu le niveau 1, 46 le niveau 2 (dont Strasbourg Capitale mondiale du Livre), et 17 le niveau 3 — avec près de 40 % d’entre eux accompagnés depuis trois ans ou plus, preuve d’une amélioration continue.

Diagnostic complet pour une démarche sur mesure
Le diagnostic permet de dresser un bilan précis des pratiques existantes en matière d’éco-responsabilité :
- Quelles actions sont déjà en place ?
- Quelles améliorations peuvent être envisagées ?
- Comment les concrétiser, en identifiant à la fois les freins et les ressources disponibles ?
8 enjeux clés sont passés au crible à travers une centaine de questions :

À l’issue du diagnostic, un rapport détaillé est établi, synthétisant les pratiques écoresponsables à ce stade. Le nombre d’actions déjà mises en œuvre détermine alors le niveau initial de labellisation.
Validation et attribution du label, en toute transparence
Avant le lancement de l’événement, une réunion de validation est organisée pour évaluer les engagements pris et officialiser l’attribution du label. Le niveau obtenu (1, 2 ou 3) dépend directement du nombre d’actions écoresponsables mises en œuvre : chaque action validée apporte un certain nombre de points qui s’additionnent.
Un rapport final est ensuite remis aux organisateurs, synthétisant l’ensemble des pratiques retenues et validées pour garantir une démarche éco-responsable cohérente.
Audit sur place et bilan
L’audit sur place est une phase facultative proposée par l’association pour aller plus loin, cette visite permettant de vérifier le respect de la Charte d’engagement et d’apporter des conseils personnalisés et ajustements en temps réel.
Le bilan constitue la dernière étape du processus, qui consiste à analyser les résultats : il s’agit d’une évaluation globale de la démarche conduite et des pistes d’amélioration concrètes pour les prochaines éditions.
Exemple de livrable
Nous avons le plaisir de partager avec vous, avec l’autorisation des deux entités, un document sur l’impact carbone de la manifestation, fournie par EMA dans le cadre de son accompagnement pour l’écolabellisation des RIEL :

Actions écoresponsables menées dans le cadre du label
Nous vous proposons à présent des exemples concrets d’actions écoresponsables mises en œuvre dans le cadre des RIEL, pour les différents enjeux :
Enjeu portant sur la gestion globale
- Préférence pour le matériel loué, d’occasion et/ou de réutilisation :
- Location de nappage éco-responsable, lavable en tissu
- Création de signalétique et de fléchage en bois recyclé
- Actions sociétales
- Insertion d’un questionnaire environnemental dans les marchés :
- Les personnes exécutant le marché ont-elles été récemment formées et/ou ont-elles eu une expérience liée à l’organisation d’évènements éco-responsables ?
- Pour se déplacer, le titulaire favorise les transports en commun et, à défaut, le recours à des véhicules relevant des vignettes Crit’Air niveau (0), (1) ou (2) tout en favorisant le covoiturage des intervenants et les bonnes pratiques de l’éco conduite ?)
Enjeu portant sur la gestion des déchets
- Boissons servis en tasse, en Ecocup ou en gobelet kraft 100 % recyclé et biodégradable
- Aucun « food truck » pour limiter les déchets
Enjeu portant sur la communication
- Eco-conception pour le web :
- Expérience utilisateur contrôlée sur les chargements externes des ressources
- Conception graphique visant à limiter le chargement de médias lourds
- Goodies : 2 000 marque-pages avec graines à planter (mélange de fleurs) ont été réalisés à partir de matériaux recyclés ou recyclables (marque B du Goodscore)

Enjeu portant sur les déplacements
- Choix d’un lieu central et bien desservi par les transports en commun
- Information des publics sur les accès cyclables
- Diffusion en ligne avec traduction simultanée en anglais pour réduire les déplacements internationaux
Enjeu portant sur la restauration
- Repas non carnés pris au CROUS
- Fruits pour le temps de pause, achetés en circuit court auprès d’une coopérative et une ferme locales

Enjeu portant sur la sensibilisation des publics
- Le public est informé de l’écoresponsablité de l’évènement via une bâche « Bienvenue ceci est une éco-manifestation »
- Le Forum des Partenaires (Fresque du livre, Agence du Climat, EMA…) a porté des animations et informations de sensibilisation pendant l’événement

Enjeu portant sur l’énergie et l’eau
L’usage de produits écoresponsables a été prévu dans les marchés avec les prestataires concernés
La bilan du bilan
L’expérience de l’écolabellisation des RIEL a été particulièrement instructive pour toutes les parties prenantes. Il y a eu une prise de conscience de l’ensemble des champs d’exploration mais aussi des compétences qu’il convient de continuer à développer individuellement et collectivement.
Nous retenons les points de vigilance suivants :
- Bien anticiper l’écolabellisation dans l’organisation de l’événement : l’intégration dans les marchés publics ou les cahiers des charges des prestataires se fait très en amont
- Intégrer l’ensemble de la chaîne à la démarche, y compris les sous-traitants
Cette expérience positive a motivé les acteurs à renouveler l’aventure pour de futures manifestations, et surtout à partager ces bonnes pratiques avec les prochaines Capitales Mondiales du Livre. Après avoir atteint le niveau 2, pourquoi ne pas viser le niveau 3 lors d’un prochain événement ?
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