Les ateliers de loisirs créatifs sont devenus fréquents aujourd’hui en bibliothèque, tout comme le sont les fonds dédiés au DIY (Do It Yourself : faites-le vous-même). Dans la continuité de ces propositions, la médiathèque Olympe de Gouge de Strasbourg a lancé un service innovant en septembre 2021 : le troc de matériel de loisirs créatifs. Cette proposition a inspiré les collègues de la bibliothèque des Capucins de Rouen qui ont mis en place un service similaire en avril 2022, à l’occasion de la journée internationale de la créativité et de l’innovation.
La commission bibliothèques vertes de l’ABF vous propose aujourd’hui un retour d’expérience de ces deux structures !
Périmètre et objectifs du service
En quoi consiste ce service ?
Il s’agit d’un système de troc, à l’image des grainothèques (troc de graines) ou des bouturothèques (troc de plantes et de plants de légumes) qui ont déjà émergé dans de nombreuses bibliothèques. Chacun est invité à alimenter la créathèque (nom choisi par la bibliothèque des Capucins) avec du matériel de bricolage ou des livres de loisirs créatifs dont il ne se sert plus.
Ce service vise tous les publics pratiquant les loisirs créatifs. Il est majoritairement utilisé par les adultes.
Dans quel but le mettre en place ?
D’abord, pour répondre aux missions des bibliothèques :
- définies dans la loi Robert qui stipule que les bibliothèques ont « pour missions de garantir l’égal accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs ainsi que de favoriser le développement de la lecture » mais aussi qu’elles « conçoivent et mettent en œuvre des services, des activités et des outils associés à leurs missions ou à leurs collections. »
- en concordance avec les droits culturels explicités dans la déclaration de Fribourg, qui défend « la liberté d’exercer […] ses propres pratiques culturelles et de poursuivre un mode de vie associé à la valorisation de ses ressources culturelles, notamment dans le domaine de l’utilisation, de la production et de la diffusion de biens et de services » ainsi que « la liberté de développer et de partager des connaissances, des expressions culturelles, de conduire des recherches et de participer aux différentes formes de création ainsi qu’à leurs bienfaits »
- et en pleine résonnance avec les Objectifs de Développement Durable (ODD) de l’ONU puisque valoriser l’échange basé sur la gratuité répond aux l’ODD n°11 « Ville et communautés durables » et n°12 « Consommation et production durables » (n°12)
Ensuite, parce que mettre en avant du matériel et des ressources permet de valoriser les fonds et collections existants dans la médiathèque.
Ainsi, les bibliothèques de Strasbourg comme de Rouen répondent pleinement, et de façon innovante, à leurs missions et favorisent la participation des publics, leur appropriation de la médiathèque et la découverte de nouvelles pratiques !
Déploiement du service
Mise en œuvre
Dans chacune de ces deux bibliothèques, un espace est dédié aux dons des publics. Cependant, l’aménagement n’est pas le même : à Strasbourg, l’espace CREA est doté d’un coin « Pelotes, Boutons, tissus… à partager » et est équipé pour cela d’un meuble posé à-même le sol, composé de plusieurs tiroirs dans lesquels sont déposés les dons. Les collections sont tout autour, il n’y a pas eu besoin de les déplacer, c’est le meuble qui a été positionné selon l’aménagement du fonds d’origine.
A Rouen, la créathèque est insérée dans les rayons, sur les étagères, au milieu des livres du fonds de loisirs créatifs. Un désherbage a été nécessaire avant la mise en place, pour s’assurer d’avoir un fonds d’ouvrages pertinent mais aussi pour dégager la place sur les étagères et permettre la juxtaposition de la créathèque avec les collections dédiées. La bibliothèque a fait l’acquisition d’une petite commode en bois (achetée à Ikea) et de deux caisses en bois (l’une provenant d’Ikea, l’autre étant une caisse de vin). Ces éléments sont disposés sur trois étagères, juste à côté des ouvrages de loisirs créatifs : tricot, crochet, carterie, kirigami, couture….
Dans les deux bibliothèques, ce sont les collègues du réseau qui ont fait les premiers dons pour alimenter les commodes au moment du lancement. Depuis, les publics font des dons, mais dans les deux structures, les bibliothécaires alimentent régulièrement cet espace. A Strasbourg, on relève que « les gens prennent plus qu’ils ne donnent ».
Communication et action culturelle
Chacune des bibliothèques a également communiqué sur ce nouveau service. Il a été annoncé sur les réseaux sociaux par la médiathèque de Strasbourg. Il est depuis promu grâce à un cycle d’animations régulières tout au long de l’année : 4 séances, espacées d’une semaine ou un peu plus si la programmation culturelle le nécessite, sont dédiées à une technique spécifique. Au cours de l’année, le public peut donc découvrir ou faire découvrir à des novices le tricot, le crochet, la broderie, mais aussi l’origami ou la carterie.
A Rouen, ce projet a été suivi, depuis sa conception jusqu’à sa mise en place, par une volontaire en mission de service civique. Elle s’est chargée de la réalisation de flyers pour lesquels elle a créé des illustrations (domaine dans lequel elle poursuit ses études). Elle a également conçu 8 marque-pages, identiques au recto mais avec des versos différents : elle a dessiné des tutos créatifs (comment monter les mailles au tricot, comment faire une chaînette au crochet, coudre un filtre à café lavable, réaliser un cœur en origami…) Ces documents sont diffusés aux publics dans l’ensemble des bibliothèques du réseau. Enfin, cette information a également été relayée sur les réseaux sociaux et sur le site internet des bibliothèques.
Un atelier de crochet a été mis en place au mois de décembre à la bibliothèque des Capucins, et a été l’occasion de promouvoir à nouveau l’existence de la créathèque, mais il s’agit d’une animation ponctuelle et non régulière comme à Strasbourg.
Retour sur le fonctionnement du service, quelques mois après son lancement
Il est intéressant de noter deux tendances inverses dans ces bibliothèques : à Strasbourg, les pelotes trouvent rapidement un nouveau foyer, tandis que les coupons de tissus ne rencontrent pas un grand succès. A Rouen, c’est le phénomène opposé : les tissus (mais aussi les livres) sont ce qui est le plus vite troqué, tandis que les pelotes de laine et coton restent longtemps dans la créathèque.
Une importante partie des dons et l’animation d’ateliers repose sur les centres d’intérêt personnels et compétences en loisirs créatifs des bibliothécaires, il faut donc avoir dans l’équipe des personnes familiarisées avec le DIY pour la réussite de ce projet.
Cela étant, après quelques mois de recul, les bibliothécaires de Strasbourg comme de Rouen relatent que ce service est autonome et ne demande pas aux bibliothécaires une gestion importante, les dons se font directement dans le mobilier prévu à cet effet, sans intervention des agents. Ils vont régulièrement voir ce qui y est proposé, par curiosité, mais ont rarement besoin de faire du « désherbage », les dons sont de bonne qualité. Un tri est fait un peu plus régulièrement à la médiathèque Olympe de Gouge, où il s’est parfois trouvé des restes de pelotes de laine qui ne permettaient pas la réalisation d’un ouvrage.
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