La commission Bibliothèques Vertes de l’ABF vous propose de poursuivre la réflexion initiée par son billet CD et DVD : que faire pour plus d’éco-responsabilité ? en l’élargissant à des regards portés vers l’international, à travers des exemples voisins.
Le présent billet, rédigé par Sophie Bobet, donne matière à réflexion et comparaison sur les objectifs et mises en œuvre contrastées en matière d’économie circulaire, pour contribuer à penser globalement l’éco-responsabilité des collections images et sons en bibliothèques et médiathèques.
Objectifs fixés à l’échelle de l’Union Européenne
L’ADEME, agence nationale de la transition écologique, fait état de la situation suivante en 2019 :
Le 15 mars 2017, la Commission européenne a adopté un paquet économie circulaire ambitieux qui inclut des propositions de révisions législatives afin d’accélérer la transition vers l’économie circulaire. Les révisions législatives proposées incluent notamment les objectifs communs suivants :
- 65 % des déchets municipaux recyclés en 2030
- 75 % des déchets d’emballage recyclés en 2030
- 10 % maximum des déchets municipaux mis en décharge en 2030
- Interdiction de mettre en décharge les déchets collectés séparément
- Promotion d’instruments économiques pénalisant la mise en décharge
- Simplification & harmonisation des méthodes de calcul des taux de recyclage
- Mesures pour favoriser la réutilisation
- Incitations économiques pour mettre sur le marché des produits « verdis » et soutenir la réutilisation et le recyclage (emballages, batteries, déchets d’équipements électriques et électroniques, véhicules hors d’usages)
Les CD et DVD : déchets « DEEE » ?
La directive européenne relative aux DEEE, déchets d’équipements électriques et électroniques (Directive 2012/19/EU) a pour but de limiter et de réduire la quantité de déchets mis à la décharge en encourageant une réutilisation, un recyclage et un traitement écoresponsable. Car les supports de données contiennent des plastiques recherchés, notamment « le polycarbonate [qui] est une matière première secondaire recherchée qui peut être récupérée via le recyclage ».
Cependant, le site de « l’info durable » relève que « si la Belgique, la Suisse, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis ont mis en place des filières de valorisation de ces déchets, la France en est encore dépourvue, les CD et DVD n’étant pas considérés comme des déchets DEEE ». EnAngleterre, des entreprises privées se chargent de collecter ces déchets [1]. De même, la Suisse propose des points de collecte (points de vente d’appareils électroniques, points de collecte communaux et offices de poste) par cantons que l’on peut localiser sur la Recycling Map ; Swico Recycling, association économique suisse de la bureautique, de l’informatique, de la télématique et de l’organisation, collecte autour de 95% de ces matériaux [2]. Comme on peut le voir, il reste encore beaucoup à faire pour que les filières soient réellement efficaces et qu’un schéma existe au niveau européen.
Apports de la recherche : vers la dépolymérisation
La dépolymérisation pourrait constituer une nouvelle stratégie de recyclage efficace, selon le département Chimie du CNRS (Centre national de recherche scientifique) [3] :
Pour recycler le polycarbonate, matière plastique utilisée dans de nombreux objets du quotidien [dont les CD et DVD], des scientifiques ont mis au point une nouvelle méthode de dépolymérisation innovante conduisant à l’obtention de produits à haute valeur ajoutée. Ce procédé permet également de régénérer le monomère original, à température ambiante et dans un solvant « vert » issu de matières premières renouvelables. […] Le poly(carbonate de bisphénol A) est, industriellement, le polycarbonate le plus produit, mais c’est aussi l’un des moins recyclés. La majeure partie est brûlée ou finit dans les décharges où il se dégrade progressivement en bisphénol A, perturbateur endocrinien avéré qui affecte à la fois la santé et l’environnement. Il devient donc urgent de mettre en place des stratégies de recyclage visant à reformer les monomères (recycling) et/ou à former d’autres produits à haute valeur ajoutée (upcycling).
Les équipes de chercheurs impliquées ont, de ce fait, mis au point une nouvelle méthode de dépolymérisation, qui est parvenue à régénérer le monomère original et à obtenir des « co-produits » à plus haute valeur ajoutée comme les carbonates de vinylène pouvant donner lieu à d’autres utilisations.
Et pourquoi pas conserver ?
Une autre possibilité est de faire un pas de côté sur nos usages actuels. Est-ce que l’on doit remplacer nos CD/DVD par une offre nouvelle ? digitale ? ou les conserver en proposant des lecteurs de CD/DVD pour ceux qui n’en disposent plus ?
Selon le New York Times [4], les cassettes VHS bénéficient d’une nouvelle notoriété à l’instar des vinyles depuis 2021. Effet de nostalgie réservée à une certaine typologie de publics ? Quoi qu’il en soit, les hastaghs #VHSforever ou #VHSforsale se multiplient, qui comptent chacun des dizaines de milliers de publications. Une autre source [5] indique que « dans cette lignée, la plateforme d’occasion eBay enregistre une croissance constante des ventes de cassettes VHS sur son interface. Sur Etsy, les cassettes de Disney en édition limitée s’arrachent à prix d’or. En quelques clics, on trouve une VHS des 101 Dalmatiens mise en vente pour la modique somme de 5 500 € (frais de port inclus tout de même). La palme revient à une originale de la Belle et la Bête, proposée à 43 000 € sur cette même plateforme » et s’interroge : « Qui sait, peut-être que les DVD, dont les ventes ne cessent de chuter, seront la curiosité des prochaines décennies » ?
De même, un article paru en Belgique [6] présente le CD, comme « un format idéal » : « en concevant le CD il y a tout juste 40 ans, les ingénieurs japonais et néerlandais ont visé juste. Là où la “galette noire” craint la poussière et la chaleur, casse, s’use à force d’être écoutée, nécessite d’être retournée et procure une qualité sonore souvent moyenne, le disque optique, lui, balaye tous ces défauts. En outre, le vinyle doit composer avec un bruit de fond qui altère sa dynamique, les moyennes oscillant entre 50 et 70 dB. Le CD, lui, pointe constamment à 90 dB ! Comparé au vinyle, le disque laser a donc de nombreux avantages, d’où un regain d’intérêt depuis quelques années ! »
Si les bibliothèques sont des lieux d’innovation, elles sont aussi des conservatoires des pratiques culturelles. Leur implication dans la transition écologique leur permet d’interroger un autre modèle de société et d’usage culturel, où le partage, l’économie circulaire sont au cœur et interrogent les usages plus individuels et numériques.
Sources :
[1] https://www.teamgreenbritain.org/Article/CDs-and-DVDs/
[2] https://www.ge.ch/espaces-recuperation-esrec-dechetteries-cantonales et https://swissrecycle.ch/fr/substances-valorisables-savoir/substances-valorisables/cds-et-dvds
[3] https://www.inc.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/la-depolymerisation-une-nouvelle-strategie-de-recyclage-efficace
[4] VHS Tapes Are Worth Money – The New York Times (nytimes.com)
[5] https://chiche.makesense.org/media/environnement/titre-que-faire-de-ses-vieux-cd-dvd-cassettes-et-autres-antiquites
[6] https://immovlan.be/fr/article/36648/que-faire-de-vos-vieux-cd-et-dvd et https://solutionslocales.fr/reduire-dechets-bibliotheques/#Recenser_les_dechets_dans_les_bibliotheques
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