Comment penser la gestion matérielle des collections, en bibliothèques, aujourd’hui, dans un contexte où il devient plus important que jamais de préserver la planète ?
Parmi tous les enjeux verts qui animent la profession, nous nous posons avec vous cette question : pour l’équipement des collections, comment fait-on ? Et nous vous proposons quelques éléments de réponses dans ce billet, rédigé par Florence Rodriguez.
Avant / maintenant / après : ouvrir la réflexion
Nous ouvrons le sujet avec deux images pour ouvrir la réflexion (images qui ne constituent ni l’une ni l’autre une fin démonstrative en soi, le sujet étant bien plus complexe que ces deux photos, comme nous le verrons dans la suite de cet article) :
- Une image illustrant un nouveau mode d’équipement possible
- Une image illustrant des limites à un équipement plus classique
Questionner nos pratiques (travail collectif)
Serait-ce plus difficile de renouveler nos pratiques de consolidation et de réparations des livres que de repenser d’autres aspects de nos métiers ? Peut-être. Les raisons seraient auquel cas, sans doute, multiples, parmi lesquelles celles-ci : nous manquons souvent d’interlocuteurs sur ces questions et nous ne savons plus très bien pour quelles raisons nos pratiques ont été mises en place. Sont-elles d’ailleurs toujours d’actualité ?
Les évolutions de nos métiers depuis l’avènement du numérique, les changements de format de catalogages qui ont, peu à peu, réduit dans nos notices les informations relatives aux imprimeurs et au collationnement, ainsi que la diversification de nos missions ont progressivement éloigné, si l’on puit dire, les bibliothécaires d’un objet que nous manipulons pourtant chaque jour : le livre ; et les questions de gestion matérielle pourraient aujourd’hui s’inscrire dans une routine parfois décorrélée des évolutions du métier. Si vous demandez à vos collègues pourquoi ils plastifient systématiquement les documents de votre établissement (nous vous invitons à poser la question autour de vous, sans présager de la réponse), vous observerez, d’expérience, le plus souvent cette réaction : « parce qu’on a toujours fait comme ça !? », qui appelle d’autres questions.
Il s’agit ainsi de travailler ensemble en interrogeant nos gestes métiers et notre manière d’exercer nos activités : allons plus loin que nos pratiques actuelles en nous questionnant sur nos pratiques de gestion matérielle des documents… Comment interroger ces pratiques ? Par où démarrer ?
Parmi les points à interroger
En bibliothèque, l’équipement des documents, quand un établissement le pratique, vise à les consolider pour leur permettre une durée de vie allongée dans un contexte de consultations multiples, emprunts, ou pour des besoins de conservation.
Distinguer équiper et plastifier pour commencer : plastifier (soit la pratique courante d’équipement en bibliothèque), ce n’est pas consolider ; plastifier, c’est plastifier. Cette lapalissade peut sembler un peu absurde mais peut permettre de se demander de quelles dégradations nous souhaitons protéger les documents, et si, au-delà, le recours au plastique est la seule solution :
Ce sont d’abord les coins et les coiffes qui s’abîment rapidement. Des protèges coins et des protèges coiffes peuvent ainsi constituer de bonnes alternatives à la pose d’adhésifs, à usages unique, aux colles bien souvent acides, et qui ne sont pas filtrés contre les UV quand ce sont ces derniers qui sont responsables de certaines dégradations (si, si, vous savez, ce document là que vous avez mis en présentation sur une table à l’entrée et qui est tout gondolé avant même le moindre prêt….).
Un autre point sur lequel porter notre attention est l’utilité ou non de poser des bandes adhésives en charnière des livres aujourd’hui : si cette pratique était nécessaire à une époque où il fallait consolider les dos carrés collés, elle est devenue obsolète maintenant que les couvertures le sont désormais aussi sur les plats.
Expérimenter puis formaliser
Plastifier ou ne pas plastifier ? Le sujet va plus loin que cette question binaire. Bien sûr, dans certains cas, la plastification complète du document est nécessaire. Ne serait-ce que pour pouvoir le nettoyer. Cela dépend aussi des conditions de conservation, des taux de rotation, de la fréquence de renouvellement des ouvrages, de la façon de les ranger, de les consulter ; bref, d’un ensemble d’éléments qui font que chaque établissement peut faire des choix spécifiques, tant qu’ils s’intègrent à une politique documentaire globale et réfléchie en équipe, à l’image de certains établissements comme la bibliothèque de La Canopée à Paris qui testent plusieurs équipements. Ainsi, après nous être interrogés sur les facteurs possibles d’évolutions des modalités de gestion matérielle des collections… il s’agit d’essayer, expérimenter… et évaluer ces tests menés.
L’étape suivante ? Constituer des outils pour formaliser les modalités d’équipement retenues après ces phases de test et évaluation. Il est possible d’envisager par exemple assez facilement : une petite fiche de préconisations de types de traitements pour les collections de périodiques, qui sont communes sur un réseau, une université, en les adaptant en fonction de la durée de conservation des fascicules et des types de consultations attendues. Au-delà, dans nos structures documentaires, les réflexions sur une gestion matérielle vertueuse des collections (équipements, réparations…) peuvent utilement s’inscrire dans les projets d’établissements, de service, être intégrées aux chartes de politique documentaires et rapports d’activités voire à la programmation d’actions culturelles, par exemple, dans une approche participative, pour une sensibilisation des publics à ces enjeux.
Les bibliothécaires, maillons d’une chaîne du livre
Intégrer ces questions de développement durable et d’économie circulaire à nos pratiques est aussi l’occasion pour les professionnels de se rappeler que nous sommes, au-delà de notre cœur de métier de bibliothécaire, des acteurs de la chaîne du livre et du périodique imprimés, sensibilisés et parties prenante aux/des évolutions qui touchent l’ensemble du circuit.
A l’heure où les matériaux qui composent les livres imprimés vont se faire de plus en plus précieux, nous pouvons échanger avec ceux qui les fabriquent, les relient, nous fournissent le matériel. Organiser une visite chez un imprimeur local, un fabricant de papier, demander des catalogues de fournitures, faire du « biblio tourisme » en échangeant notamment sur ces questions de gestion matérielle des documents imprimés : ces actions peuvent constituer autant d’occasions de mieux comprendre comment les documents sont fabriqués et comment les consolider au mieux.
Sensibiliser et associer les publics à cette dynamique
Nous l’avons évoqué dans ce billet : au-delà des pratiques des bibliothécaires, la question qui nous occupe peut aussi intéresser les publics : les lectrices et les lecteurs de tout âge !
Rien n’empêche ainsi d’organiser en bibliothèques des ateliers avec et pour eux, pour qu’ils nous aident à maintenir les documents imprimés en bon état, qu’ils apprennent eux-mêmes à les réparer, et, plus largement, leur transmettre des compétences en matière d’écogeste dans l’utilisation des documents imprimés :
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